samedi 17 novembre 2012

Le syndrome d’Esther



    « Les grands tournants de la politique internationale répondent à des mutations du regard que la raison globale d'une époque porte sur son temps et dont les Etats ne sont jamais que des médiateurs sourds et tardifs », écrit le philosophe Manuel de Diéguez.  Mise à l’épreuve de l’actualité, cette affirmation pertinente nous décille sur les «métamorphoses soudaines des rétines» qui travaillent le silence des nations dominantes.  A cet égard, le silence avec lequel fut accueillie l’information officielle de l’assassinat de Abou Jihad,  n’a d’égal que la fureur qui anime les « enregistreurs de l'histoire universelle ».

   L’opération contre Abou Jihad, de son vrai nom Khalil al-Wazir, a été menée, dans la nuit du 15 au 16 avril 1988, à Tunis, par 26 membres des commandos de l'état-major, l'unité la plus prestigieuse de l'armée israelienne, alors dirigés par Moshé Yaalon, actuel ministre des Affaires stratégiques, sous le commandement de son adjoint, Nahoum Lev. Celui-ci serait mort dans un accident de moto en 2000, selon le Yediot Aharonot auquel il avait accordé une interview où il donne les détails de l’assassinat.

   Mais c’est le numéro 2 du gouvernement israélien, qui a tiré la dernière balle sur Abou Jihad, pour s’assurer de sa mort. Moshé Yaalon, ministre des Affaires stratégiques et suppléant de Benyamin Netanyahu, s’est introduit dans la chambre, où Abou Jidah a été assassiné, et l’a criblé de balles en rafales, et puis il lui a tiré une balle unique pour s’assurer de sa mort.
Des modalités meurtrières à la mesure de l’horreur qui légitime cet Etat-voyou imbu de ses holocaustes réels et imaginaires.

  Repris par le Sunday Times, le journal israélien Yediot Aharonot indique avoir été autorisé à publier les détails de l’opération visant l’assassinat de Abou Jihad, à la suite de six mois de négociations avec la censure militaire. On peut aisément imaginer ce que la censure a gardé pour dissimuler les traîtres. Donc voilà que douze ans après, l’interview paraît en pleine élections américaines, confirmant, non seulement la préméditation israélienne, mais aussi que les assassins font partie du gouvernement. Et cela ne fait ciller nul juge au Conseil de sécurité de l’ONU ou à la Cour pénale internationale. Et pour cause, ces révélations tardives ne sont, encore une fois, que le défi avec lequel Israël nargue le droit international qu’elle outrepasse à sa guise.

Abou-Jihad-et-Yasser-Arafat-graffiti à Gaz

  Numéro deux du mouvement Fatah et de l’OLP, Abou Jihad était responsable des opérations militaires et organisationnelles de la Cisjordanie et Gaza. Son élimination visait à décapiter la première Intifada palestinienne, qui avait éclaté en décembre 1987, dont il était un des dirigeants.  Malgré la mort d'Abou Jihad, l'Intifada se poursuivit jusqu'aux accords d'Oslo de 1993, qui ouvrirent la voie à la création de l'Autorité palestinienne en 1994, présidée par son compagnon d'armes et chef de l'OLP, Yasser Arafa, mort lui aussi dans des circonstances suspectes.

  En effet, la thèse d'un empoisonnement du dirigeant palestinien a regagné du crédit après des révélations sur la présence de quantités anormales de polonium sur ses effets personnels. Et une autopsie de sa dépouille va enfin être pratiquée après l’accord de sa veuve et du Président Mahmoud Abbas. La suspicion n’aura ainsi servi qu’à entretenir ce qui est, en fait, inhérent à la mythologie sioniste d’auto-défense contre une menace toujours imminente. Cette attitude, Shlomo Sand l’évoque et la résume dans cette expression en hébreu : « on tire, on pleure ». 

  C’est dans ce même ordre mythique, il y a quelques temps, Benjamin Netanyahu, Le Premier ministre israélien, avait envoyé à Barack Obama une édition du Livre d'Esther (texte hébraïque de l'ancien testament) dans le but de le convaincre qu’un véritable "antisémitisme perse" était entrain de gronder du côté de l’Iran et qu’il fallait y parer. Bien après l’élimination de Abou Jihad et de Arafat, Israël doit encore se défendre et à n'importe quel prix, car selon la parabole d’Esther, l'holocauste est toujours présent.

   Cependant, une fois les élections américaines achevées, on a pu lire dans le principal quotidien israélien de gauche, Haaretz, un article au titre plus qu’évocateur : « So sorry, President Obama, please forgive Netanyahu ». (Nous sommes vraiment désolés Président Obama, s’il vous plait pardonnez à Netanyahu !). En voici quelques extraits : "... Et pourtant, en dépit de Netanyahu et son gang, vous avez démontré votre amitié pour nous. Aucun président américain avant vous ne nous a jamais comblé de tant de ce qui était bon et nécessaire. Dans une démonstration aggravante de l'ingratitude, vous avez été représenté ici comme un ennemi. Israël est le seul pays au monde qui a préféré votre rival sur vous. Parce qu'en Israël, ils ne savent pas comment dire merci, parce qu'Israël n'est jamais satisfait- vous lui donnez un doigt de soutien dans un environnement hostile, et il voudra toujours toute la main. C'est une caractéristique laide nationale, ce qui nous oblige à présenter des excuses ... Monsieur le Président, vous devez continuer ce que vous avez essayé de faire au début de votre mandat. Vous n'aviez pas réussi alors, mais maintenant, nous vous disons: Finissez le. Pour notre bien, finissez-le » !

Esther devant Assuerus; de Giovanni Andrea Sirani

   Dans « La Parabole d’Esther : Anatomie du Peuple Élu », l’écrivain et jazzman juif Gilad Atzmon écrit : « Nous devons aussi nous demander à quoi servent, au juste, les lois sanctionnant le négationnisme de l’Holocauste ? Qu’entend cacher la religion de l’Holocauste ? Tant que nous ne nous poserons pas de questions, nous serons assujettis aux sionistes et à leurs complots. Nous continuerons à tuer au nom de la souffrance juive ».

  Ce que Atzmon veut dire en définitive dans ce livre polémique, tout comme le proclament Noam Chomsky et Arno Mayer également de confession juive, est que le négationnisme doit être battu sur le terrain scientifique et non juridique ou idéologique et religieux. Tout aussi important dans ce livre, la démystification de l’« argumentaire colonial » qui a été populaire durant un certain temps, parce qu’il exonérait les juifs (en tant que peuple) des crimes perpétrés par Israël, mais aussi parce qu’il comportait une promesse : tôt ou tard, l’« État colon israélien » grandirait, sortirait de son cauchemar colonial, et la paix pourrait éventuellement l’emporter ».
En mimant cette même souffrance, placée sur le terrain du religieux-idéologique, certains font haro aujourd’hui sur l’islamophobie, de sorte que les hallucinations théologiques prolifèrent ici et là comme des herbes folles.
Et il semble que l’histoire messianisée de la planète n’a pas fini de secouer les fauteuils des démocraties naissantes en prônant le modèle qu’incarne une élite « élue » au-delà de tout suffrage. C’est encore cela le syndrome d’Esther…

vendredi 9 novembre 2012

Critique de l’Auditoire *


par Hakim Bey**

   Parler beaucoup trop & ne pas être écouté – ça me rend dingue déjà, mais obtenir un auditoire*** – c’est encore pire. L’auditoire pense qu’écouter suffit – comme si son véritable désir était d’écouter avec les oreilles d’un autre, de ne voir qu’au travers les yeux d’un autre, ne ressentir que par la peau d’un autre…

   Le texte (ou le message) qui modifiera la réalité – Rimbaud en a rêvé, puis a tout laissé tomber par dégoût. Mais il entretenait une idée trop subtile de la magie. La cruelle vérité est, peut-être, que le texte ne peut changer la réalité qu’à condition d’inspirer les lecteurs à voir & agir plutôt qu’à simplement voir. Les Saintes Écritures l’ont fait, autrefois – mais Elles sont devenues une idole. 

  Voir par ses propres yeux signifierait posséder (au sens vaudou du terme) une statue – ou un cadavre.

  Voir, & la littérature du voir, c’est trop facile. L’illumination est facile. « C’est facile d’être un soufi » m’a dit un jour un cheikh persan. « Ce qui est difficile c’est d’être humain ». L’illumination politique est encore plus aisée que l’illumination spirituelle – aucune des deux ne change le monde… ni la personne. Le soufisme & le situationnisme – ou le chamanisme & l’anarchisme – des théories avec lesquelles je me suis amusé – ne sont que ça : des théories, des visions, des moyens de voir. La « pratique » du soufisme consiste essentiellement en une répétition de mots (dhikr). Cette action elle-même est un texte & rien d’autre si ce n’est un texte. Et la « praxis » de l’anarcho-situationnisme revient au même : un texte, un slogan sur un mur. Un moment d’illumination. Eh bien tout cela n’est pas sans valeur – mais après qu’est-ce qui sera différent ?

   Nous pouvons désirer purger notre radio de tout ce qui ne comporte pas au moins une chance de précipiter cette différence. À la manière des livres qui ont inspiré des crimes abominables, nous aimerions diffuser des textes qui pousseraient l’auditoire à se saisir (ou du moins à tenter de le faire) de la joie que Dieu nous dénie. Des exhortations à pirater la réalité. Plus encore, nous aimerions purger nos vies de tout ce qui nous obstrue, ou nous retarde de nous mettre en chemin – non pour vendre des armes & des esclaves en Abyssinie – non pour être flics ou voyou – non pour nous échapper du monde ou le diriger – mais pour nous ouvrir à la différence.

   Je partage avec les moralisateurs les plus réactionnaires la présomption que l’art peut réellement affecter la réalité de cette manière & je méprise les libéraux qui soutiennent que tout art devrait être permis, car – après tout – ce n’est que de l’art. Ainsi donc, j’ai pratiqué ces catégories de l’écriture & de la radio tant haïes par les conservateurs – la pornographie & l’agitprop – dans l’espoir d’éveiller le trouble chez mes lecteurs/auditeurs & en moi-même. Mais je m’accuse d’inefficacité, de futilité même. Trop peu de changement. Rien n’a changé, sans doute.

   L’illumination est tout ce que nous avons & même cela nous avons dû l’arracher des mains de gourous corrompus & d’intellectuels suicidaires radoteurs. Tout comme pour notre art – qu’avons-nous accompli d’autre sinon verser notre sang pour le monde spectral d’idées & d’images à la mode?


   Écrire nous a menés jusqu’aux limites au-delà desquelles l’écriture est impossible. Les textes qui survivraient au plongeon – vers je ne sais quel abysse ou Abyssinie se trouvant de l’autre côté – devraient être virtuellement auto-créés, comme ces miraculeux trésors cachés que sont les rouleaux des Dakini au Tibet ou ces textes spirituels idéogrammatiques du Taoïsme – & totalement incandescents tel le dernier message d’une sorcière ou d’un hérétique se consumant sur le bûcher (pour paraphraser Artaud).

    Je peux sentir ces textes frémir juste derrière le voile.

    Et si notre humeur devait nous contraindre à renoncer à la simple objectivité de l’art & à la simple subjectivité de la théorie ? À risquer les abysses ? Et si personne ne suivait ? Cela serait peut-être tout aussi bien – il se pourrait que nous trouvions nos égaux parmi les Hyperboréens. Et si nous devenions fous ? Eh bien, c’est le risque. Et si cela devait nous emmerder ? Ah…

   Il y a quelque temps déjà, nous avions tout misé sur la possibilité de l’irruption du merveilleux dans la vie de tous les jours – nous avons gagné un peu, puis lourdement perdu. Le soufisme était effectivement beaucoup plus facile. On bazarde tout alors, jusqu’au plus misérable gribouillis ? On double la mise ? On triche ?

   C’est comme s’il y avait des anges dans la pièce d’à côté, au-delà de murs épais – se disputant ? baisant ? On n’en discerne un traître mot.

   Pouvons-nous nous recycler si tardivement pour devenir des Chasseurs de Trésors ? Et au moyen de quelle technique, sachant que c’est précisément la technique qui nous a trahis ? Un dérangement des sens, une insurrection, de la piété, de la poésie ? Le savoir-faire est un truc minable de charlatan. Mais savoir quoi, cela pourrait être comme une divine connaissance de soi – cela pourrait créer ex nihilo.

   Enfin, cependant, il deviendra nécessaire de quitter cette ville qui plane immobile aux abords d’un crépuscule stérile, tel Hamelin après que tous ses enfants eurent été attirés au loin. Il se peut que d’autres villes existent, occupant un même espace & un même temps, mais… différentes. Et peut-être qu’il y a des jungles où la pure illumination est obscurcie par la lumière noire des jaguars. Je n’en ai aucune idée – & je suis terrifié.



*Hakim Bey. Texte original « Critique of the Listener ». Traduction française par Spartakus FreeMann au nadir de Libertalia, août 2011 e.v.

**Hakim Bey alis Peter Lamborn Wilson est un écrivain politique et poète américain (né à New York en 1945) qui se qualifie d'« anarchiste ontologiste » et de soufi. Il est connu pour ses théories au sujet des zones d'autonomie temporaires (TAZ, dans son livre Temporary Autonomous Zone), ses écrits sur le mysticisme et la culture pirate, ainsi que pour ses incitations au terrorisme poétique. Certains auteurs le considèrent comme le père idéologique des hackers.

*** Rendre l’original anglais « listener » par « auditeur » aurait réduit le sens – au niveau des genres, mais aussi de la portée. « Auditoire » renferme une notion plus générale, plus indistincte et quasi-anonyme.

lundi 5 novembre 2012

Revenons à nos moutons!

La dictature aurait-elle besoin encore et toujours de moutons pour perdurer ? C’est plus que probable, qu’ils soient enragés ou dociles, les moutons feront encore les beaux jours de la manipulation sous toutes ses formes. Autrement, et pour compléter la phrase d’Albert Einstein, il semble que « pour être un membre irréprochable parmi une communauté de moutons, il faut avant toute chose être soi-même un mouton », voire avoir soi-même un mouton.

C’est un curieux hasard que le rite du sacrifice ait profité, cette année, à un plus grand nombre grâce à l’importation de moutons roumains, vendus à la moitié du prix des moutons tunisiens. Il paraît que c’est l’homme d’affaires et ancien député, Chafik Jarraya, qui a arrangé ce coup. Après les singeries bannières, voici venu le temps des moutons-émissaires.

Ironie de la métaphore, c'est d'un pays encore empêtrée dans les rets de la dictature qu'on importe nos moutons du Grand Sacrifice! Et la métaphore ne s'arrête pas là!

La Roumanie, berceau de Dracula et patrie d'une dictature féroce durant l'ère communiste, s’est hissée ces trois dernières années, avec la montée du business moutonnier, de la 6e à la 3e place en Europe pour le nombre de moutons et de chèvres. Elle devance ainsi des pays à grande tradition, comme la France, l’Italie ou la Grèce, et arrive derrière l’Espagne et le Royaume Uni. Bien qu’ils préfèrent parfois, comme tous les moutons, oublier le passé, les Roumains tentent encore de clarifier ce passé, et leur travail de mémoire ne fait que commencer.

Photo de René Maltête (1930-2000), photographe français

En 2009, un rapport sur la dictature a été rédigé pour la première fois par des historiens indépendants de la commission Tismaneanu, qui avait formulé trente-six recommandations. Peu ont été appliquées à ce jour, car cela nécessite le vote du parlement. Le rapport préconisait par exemple l'édition d'un manuel de lycée sur le communisme, l'élaboration d'une encyclopédie du communisme roumain et l'ouverture d'un musée de la dictature. Autant de mesures toujours en attente.

L'Institut pour l'investigation des crimes du communisme en Roumanie (crée en 2005) est chargé d'identifier et faire condamner les responsables. Or, aucun responsable ou agent de la sécurité n'a été condamné. Un autre organe enquête sur le passé: le conseil National pour l'étude des Archives de la Securitate, instauré en 1999. Lui aussi rencontre de nombreux obstacles dans son travail. Le blocage principal vient des élites au pouvoir, disent les journalistes. Précisément, parce qu'après la chute du régime communiste, il n'y a pas eu d'épuration et que les structures et les comportements ont perduré. Aujourd'hui, d'anciens dignitaires du parti communiste occupent toujours des fonctions haut placées dans la justice, la politique, les médias ou l'éducation.

Qui l'eut cru, grâce aux moutons roumains, Pâques et l’Aid el-Kebir se rejoignent dans une sorte de communion inédite. 

Mais cette prospérité moutonnière, la Roumanie la doit à la régénération du métier de berger. Car n’est pas berger qui veut ! 


On se souvient de cette vieille paysanne du Nord-Ouest qui, à l’ère du zabatisme, déclarait au micro d’un journaliste, que les bergers se faisaient de plus en plus rares car ils partaient tous à Tunis pour se faire recruter dans la police !

     Depuis, le marché de la viande a rameuté les bergers et avec eux les textes sacrés se sont aiguisés comme les couteaux halal. Et il y a de ces bergers qui ne donneraient même pas un pan de leur vie pour leurs brebis!

« Je suis le bon pasteur, le vrai berger. Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis. 12 Le berger mercenaire, lui, n'est pas le pasteur, car les brebis ne lui appartiennent pas : s'il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s'enfuit ; le loup s'en empare et les disperse. 13 Ce berger n'est qu'un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui. 14 Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, 15 comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis. » (Evangile selon saint Jean)

     En islam, l’un des signes mineurs qui apparaîtront longtemps avant l'Heure Suprême, c’est quand « les bergers construiront des gratte-ciels ». Un hadith de sahih muslim mentionne la construction de maisons de plus en plus hautes et la concurrence des va-nu-pieds, des gueux, des miséreux et des bergers. 

    On croirait y être !


    Et d'ailleurs, comme les bergers, les dictateurs se présentent toujours comme des sauveurs. 


   Tout ça pour dire que l’expérience roumaine devrait nous donner à réfléchir sur cette mentalité moutonnière bien ancrée dans l’esprit des hommes. Il est évident que la dictature, régime de transition, est surtout une transition entre l'époque révolutionnaire qui a culbuté les institutions autoritaires et la réinstauration de ces mêmes institutions, plus ou moins camouflées. Comment l’expliquer à la majorité légitime ? Aux enfants, on dessinerait un cube en guise de mouton comme l’avait attendu Le Petit Prince, au lieu de les enfermer dans des logiques de terreur du sens.

     Pour en finir avec cette métaphore récurrente de la majorité silencieuse, portée par ds images panurgiques, il faudrait se mettre à lire.  

      Mario Vargas Llosa, auteur péruvien et espagnol, prix Nobel de littérature 2010 récompensé « pour sa cartographie des structures du pouvoir et ses images aiguisées de la résistance de l'individu, de sa révolte et de son échec », disait que « si nous ne voulons pas être une société de moutons domesticables et manipulables par toutes les formes de pouvoir, y compris celui de la science, il faut défendre la littérature. » 

   Maintenant, vous le savez, les moutons ne lisent pas.


Obama au miroir de Kennedy, un président du possible?

Avant le 6 novembre, les semaines de campagne qui restent seront probablement très serrées pour les deux candidats aux élections américaines. Lors du dernier débat qui l'a opposé à son concurrent Mitt Romney, Barack Obama s’est prévalu de ses options en matière de politique étrangère. Il rappelle ainsi qu'il avait retiré les troupes d'Irak, le fera bientôt d’Afghanistan, et qu'il avait mené le raid qui a tué Oussama ben Laden.

    « Nous sommes en mesure de mener une transition responsable en Afghanistan, en veillant à ce que les Afghans assurent leur propre sécurité. Cela nous permet de reconstruire des alliances et de nous faire des amis à travers le monde afin de combattre les menaces futures », a asséné Obama. Même si les électeurs se sentent bien plus concernés par le secteur de l’économie, et notamment la classe moyenne, qu’il faut convaincre sur la route à suivre pour faire baisser l'endettement et les déficits tout en relançant l'investissement. Et le candidat démocrate le sait, c’est pourquoi, il a fait adopter une réforme garantissant une couverture maladie à 95 % des Américains et a tenté de faire baisser le chômage, baromètre important pour l’éligibilité d’un président américain depuis toujours.

     44e président des États-Unis, Obama a débuté sa présidence le 20 janvier 2009, avec la mise en place de l'administration Obama, venue remplacer une grande partie des hauts-fonctionnaires de l'administration Bush dont il hérite les inconvénients, notamment en ce qui concerne la relation des Etats-Unis avec les pays musulmans. Dans ce sens, son discours du Caire du 4 juin 2009, pose d’emblée les jalons d’une politique qui marque le retour des grands idéaux américains prônés, à ses dépens, par un John Fitzgerald Kennedy. Et ce n’est pas un hasard qu’Obama ait été comparé à son fameux prédécesseur, dont il célébrait le cinquantième anniversaire de l'investiture, deux ans après son arrivée à la maison Blanche.

    Dès les premiers jours de son mandat, Obama annonçait ainsi symboliquement la fermeture du camp de Guantanamo, non encore réalisée dans les faits. De ce fait, pas étonnant non plus que Bob Schieffer, l’animateur du 3éme débat entre les deux candidats, tenu lundi dernier en Floride, débutait le show en rappelant que « c'est le 50e anniversaire de la nuit où le président Kennedy a annoncé au monde que l'Union soviétique avait installé des missiles nucléaires à Cuba, peut-être le moment où nous avons été le plus proche d'un conflit nucléaire. Cela nous rappelle que chaque président doit faire face à des menaces inattendues à la sécurité nationale en provenance de l'extérieur ». C’est à cette Amérique obsédée par sa sécurité, dans un environnement largement dominé par l’arrogance israélienne, que tente de dompter Barack Obama.


   Sur ce plan, celui-ci a bien retenu la leçon mortellement infligée à Kennedy, en rivalisant de fermeté avec Romney sur l'Iran et sur le soutien américain à Israël. « Israël est un véritable ami. C'est notre plus grand allié dans la région. Et si Israël est attaqué, l'Amérique se tiendra à ses côtés », soutiendra-t-il. Mais la différence apportée par Obama, outre la réconciliation ethnique et éthique qu’il prône, c’est bien une offensive sécuritaire qui mise plus sur les alliances que sur les inimités. En témoigne ces quelques extraits de ce qu’il a exprimé dans le débat l’opposant à Romney :
 « Nous devons affirmer notre leadership au Proche-Orient, et pas mener une politique erronée et imprudente. Malheureusement, c'est ce genre de politique que vous avez proposé pendant votre campagne », lance-t-il à son rival.
« Le monde a besoin d'une Amérique forte et elle est plus forte aujourd'hui que quand je suis arrivé au pouvoir il y a quatre ans. Parce que nous avons terminé la guerre en Irak, nous avons pu nous concentrer sur la menace terroriste et sur l'amorce d'un processus de transition en Afghanistan. Cela nous a aussi permis de relancer des alliances et des partenariats qui avaient été négligés pendant une décennie. »
« Nous avons travaillé avec les chefs militaires pour réfléchir à ce dont nous avons besoin pour assurer notre sécurité dans le futur. Quand on parle de capacités militaires, il ne s'agit pas uniquement de questions de budget, mais aussi de capacités. Nous devons réfléchir à la cybersécurité. Nous devons parler de l'espace. C'est ce à quoi le budget sert, mais il doit être guidé par une stratégie, pas par des considérations politiques. »
   Vu du Moyen-Orient et du Maghreb, ces propos apparaissent comme un défi supplémentaire pour le candidat démocrate qui prêche de véritables changements dans cette région et une offensive plus efficace face aux nouveaux visages du terrorisme.

    De ce fait, la controverse sur ce qui s’est passé en Lybie ne semble pas inquiéter Obama, outre-mesure, dès l’instant où il apparaît que beaucoup d’Américains sont conditionnés par une méfiance obsolète entretenue dans le passé. A ce propos, Romney a été ridiculisé par Obama qui lui objectait: « Gouverneur Romney, je suis content que vous reconnaissiez qu'Al-Qaida représente une menace, parce qu'il y a encore quelques mois, lorsqu'on vous a demandé quelle était la plus grande menace stratégique pour l'Amérique, vous avez répondu la Russie, et pas Al-Qaida. Mais, vous savez, la guerre froide est finie depuis plus de vingt ans. Quand il s'agit de notre politique étrangère, vous semblez vouloir revenir aux politiques des années 1980, tout comme aux politiques sociales des années 1950 et aux politiques économiques des années 1920... »

   Au point où en est la joute, Obama semble être parti pour être favori aux yeux d’une jeunesse qui veut oser le changement, comme le lui avait inspiré ce même John Fitzgerald Kennedy, il y a cinquante ans. Entre Romney, le missionnaire Mormon, et Barack Obama, l’Afro-Américain qui rêve d’un monde meilleur, deux écoles s'opposent, deux visions du rôle de l'État et du rôle de l’Amérique comme « nation indispensable dans le monde ». Pourvu que cette nation ne continue pas à être indispensable seulement pour Israël !