lundi 4 août 2008

Et si c’est Dieu qui recherchait désespérément ses vrais croyants !

La chaîne de télévision franco-allemande Arte programme le 16 août prochain une soirée Thema intitulée : "Recherche Dieu désespérément" où elle compte s'interroger sur la foi et sur son cheminement. A cet effet, les internautes ont été invités à répondre à un questionnaire mis en ligne sur son site. (Voir les détails ici : http://www.arte.tv/fr/934300.htm). Pourquoi je parle de ça ? Eh bien parce que j’ai reçu un mail m’en informant et me donnant les consignes de vote et même les réponses à donner...
Franchement, je me demande si c’est moi qu’on prend pour une débile (faut dire que je le deviens quelquefois à force qu'on essaye de me le faire croire!), si c’est Dieu qu’on veut berner comme toujours ou si c’est cette notion de « démocratie salvatrice » qui n’arrive pas à transpercer le mur du son de nos mentalités momifiées ! Il me paraît que le type qui a envoyé ce message fait une affreuse confusion entre le divin et l’humain et prend Dieu pour un élu de quartier ! Elle avait raison Danielle Salleneuve d'intituler son livre: « Dieu.com » ! De plus, les questions concoctées par Arte sont désolantes et pas du tout pertinentes puisqu’elles ne tiennent pas compte de deux faits contradictoires qui caractérisent le paysage religieux de notre époque. A savoir : Primo que beaucoup de gens considèrent aujourd’hui la religion comme une culture et sont donc souvent des croyants non pratiquants. Segundo, les confusions et dérives liées au divin prouvent s’il en faut que si la religion (comme la politique d’ailleurs) est encore une question taboue, la foi est, quant à elle, une question personnelle et intime, et il faudrait peut être l’aborder comme on aborde un non-dit chez le psy. En lisant le questionnaire, je constate ainsi que la première question est déjà en elle-même extrémiste car pourquoi devrait-on se sentir proche d’une seule religion ? Et si par miracle, ayant échappé à tous les lavages de cerveau, moi, je me sentais proche de toutes les religions? La seconde question ne vous laisse pas la possibilité du doute. Il faut dire "noir" ou "blanc"!La cinquième question : « Les autorités religieuses doivent-elles prendre position sur les thèmes d’actualité ? », est pour le moins déroutante. Car imaginez que les autorités religieuses se mettent à affirmer (et c’est déjà arrivé) que la cocotte minute est un outil diabolique et qu’il faut la bannir de sa cuisine !!! Enfin, à propos de « Pensez-vous que la religion répond aux attentes de l’individu? », je relève malgré moi la petite faute grammaticale (« répond » au lieu de « réponde ») qui révèle justement la perversité de cette question. C’est vrai que je suis névrosée mais pas schizophrène et je veux bien que quelqu’un m’explique pourquoi les gens deviennent de plus en plus déboussolés, détraqués et nuisibles, si la religion répondait à toutes leurs préoccupations ! Quant à ceux qui ont répondu que la religion est pour eux « une règle de vie », à mon avis ce sont des tricheurs parce que la religion ça peut aussi être « une espérance », « une aide », « un archaïsme » et parfois « rien », selon les circonstances ! Au bout du compte, on est bien de pauvres humains ou je me trompe? Voilà, je crois qu’en mon âme et conscience, j’ai rendu justice à Dieu qui est pour moi au dessus de ces calculs mesquins et à la foi qui selon moi est plus vaste que nos petitesses humaines. Maintenant, reste à envoyer un petit message à Arte pour lui dire : Et si c’est Dieu qui recherchait désespérément ses vrais croyants !


dimanche 3 août 2008

Adieu Chahine, tu vas manquer à nos lâchitudes…

C’est pas que j’ai oublié que Chahine n’est plus ! Mais, ces derniers temps, la mort n’a cessé de rôder dans les parages des gens que j’aime et que j’aurais souhaité voir partir après moi ou plutôt voir arriver dans le monde où j’aurais déménagé pour toujours sans avoir à donner deux mois de caution. Et ça me déroute au point que j’en reviens à mes anciens soliloques sur la mort subite et la mort lente, la vie végétative et la vie initiatique. Cette sorte de mystique vous empêche souvent de sombrer dans le quotidien sordide de vos contemporains. Et justement, Chahine le magnifique ne sera plus là pour nous enquiquiner, pour faire râler ses confrères du monde arabe qui veulent l’imiter sans trop y arriver. Car faire du bon cinéma est une question de culture, d’ouverture, de ruse et de sincérité. En plus de tout cela, Chahine était un sensuel, un « déniaisé », un audacieux ! Mais il n’a pas fait que du cinéma, il a aussi formé des comédiens et des techniciens et donné un élan incroyable à la nouvelle vague cinématographique de son pays sans jamais céder à une quelconque jalousie débile. Ca me rappelle que du côté de chez nous, quelqu’un comme Ahmed Bahaeddine Attia fut à sa manière un producteur de cette envergure-là, et depuis une année, sa disparition n’a pas été suivie par l’hommage qui lui est du. Pour revenir à Chahine, et sans vouloir évoquer toute sa filmographie, j’en veux garder pour mémoire son très beau moyen métrage qu’on cite rarement, « Le Caire », où il nous dessille sur les désirs et les dérives de la ville, de sa ville qui est souvent un personnage de ses films. Reste à voir son dernier, « Le Chaos », sorti en 2007, qu’il a co-réalisé avec son jeune collaborateur Khaled Youssef, peut être lors des JCC 2008.
Je me souviens surtout de l’interview qu’il m’avait accordée lors des JCC 2006 pendant lesquelles fut projeté son film « Alexandrie... New York ». A ce moment-là, il était déjà sous haute surveillance pour ses problèmes de santé, malgré quoi, il continuait à fumer suppliant son accompagnateur de lui accorder Une cigarette, une dernière cigarette. Et lorsque je lui eu avoué que je n’ai pas beaucoup aimé son « Alexandrie... New York », il se fâcha, de sorte qu’à la question, « C’est quoi le sujet de votre prochain film ? », que je lui posais, il voulut me désappointer en me répondant ; « Ca sera à propos de mon C… ». Et moi, relevant l’affront, je rétorquais : « Super ! Ca nous intéresse justement beaucoup que vous nous parliez de votre C…»
Adieu Chahine, tu vas manquer à nos lâchitudes…

Majâz

Avant de fermer mon blog, j'ai eu soudain envie de publier ces vers magnifiques de Mahmoud Darwish sur la force des mots et de la métaphore:

مهما نأيت ستدنو / ومهما قتلت ستحيا / فلا تظنن أنك ميت هناك / وأنك حي هنا / فلا شيء يثبت هذا وذلك إلا المجاز / المجاز الذي درَّب الكائنات على لعبة الكلمات / المجاز الذي يجعل الظل جغرافياً / والمجاز الذي سيلمك واسمك / فاصعد وقومك / أعلى وأبعد مما يعد تراث الأساطير لي ولك

samedi 2 août 2008

Rémoras, médusa et autres poissons-pilotes

Ces temps-ci, je fais une overdose de culture en couvrant des spectacles pour mon média. Et l’autre soir, j’ai vu et écouté dans le beau théâtre de plein air du festival de Hammamet un amour de diva qui n’est autre que la star belge Maurane. Porté par une voix magnifique, son concert fut constellé de moments intimes et drôles, de belles mélodies et de textes d’auteur savoureux, mais surtout de vibrations gospel, jazz et blues d’une rare intensité. On l’adore dans l’interprétation d’un bout de Alfonsina y el mar qu’elle chante a capella à la demande d’une spectatrice. On l’aime dans « Bruxelles », « Toutes les mammas», « Bidonville » de Nougaro et « l’hymne à l’amour » de » Piaf. Et on craque pour le texte et l’interprétation de « Et si aujourd’hui » :

Si aujourd'hui la terre s'arrêtait de tourner
Je t'emmènerais tranquille de ville en île le nez en l'air
Pour retrouver l'été

Si aujourd'hui la mer devait s'évaporer
Je trouverais dans ma poche une pelle une pioche
Et je sèmerais des fleurs sur les fonds balnéaires

Et si demain matin tu cessais de m'aimer
Je n'peux pas dire que j'en mourrais, non
Faut rien exagérer
Je crois seulement que j'aurais l'air
D'un casino désert, d'une chaise à l'envers
Oubliée sur une table
Je crois que j'aurais l'air assez minable

Si aujourd'hui le vent se mettait en colère
Soufflait immensément, on irait aux étoiles
Dans ma navette à voile pour voir un clair de terre

Si aujourd'hui le ciel devenait un brasier
Je te ferais flamber des soufflés d'ailes d'anges à la liqueur de miel
Et aux zestes d'orange

Et si demain matin tu cessais de m'aimer
Je n'peux pas dire que j'en mourrais, non
Faut rien exagérer
Je crois seulement que j'aurais l'air
D'un casino désert, d'une chaise à l'envers
Oubliée sur une table
Je crois que j'aurais l'air assez minable

Et pourtant là tout de suite
Si je cessais de vivre
En buvant dans tes yeux
Je suis sûr que je ferais
Un fantôme très heureux

Si demain matin tu cessais de m'aimer
Je n'peux pas dire que j'en mourrais, non
Faut rien exagérer
Je crois seulement que j'aurais l'air
D'un casino désert, d'une chaise à l'envers
Oubliée sur une table
Je crois que j'aurais l'air assez minable


Mais, il y a des soirs comme ça où l’on aimerait être bête, sale et méchant et voir la vie en rose même quand elle est morose. C’est ce que j’ai souhaité le soir où j’ai du assister dans la Marina de Hammamet aux deux soirées « Night in Tunisiana » dont la seconde se plaçait « sous le signe de la nostalgie et du disco ». D’abord, pour annoncer la couleur (disco bien sûr !), voilà que DJ Bach, agitateur consacré du Cotton Club, arrive sur scène avec son matos rituel pour faire chauffer le parterre. Fastoche ! Et tout le monde danse et tout le monde reprend en chœur ces tubes « memories » qui rappellent surtout aux gens de ma génération qu’ils ont vieilli et que la nostalgie n’est plus ce qu’elle était ! Et j’avais moi aussi envie d’être remixée pour résister au temps comme ce délicieux morceau du groupe Médusa, chanté par la succulente Annie Lenox. Mais, quand on achète son billet à 25 dinars (heureusement que ce n’est pas mon cas) pour voir un spectacle où vont défiler les Gibson Brothers, Santa Esmeralda, Boney.M, on se demande à quoi sert le DJ et si derrière ça, il n’y a pas quelque attrape-nigaud. Ben justement, quand enfin arrive sur scène le gars de Santa Esmeralda, je me sens tout d’un coup complètement délabrée, car le type était si essoufflé et si nerveux qu’il chantait faux et n’arrêtait pas entre deux blagues fades d’engueuler les gens de la technique en face de lui qui ne savaient plus à quel son se vouer. Normalement, les artistes professionnels préparent avant leur spectacle ce qu’on appelle « la balance » pour que justement les sons et lumières soient définitivement accordés. Pauvre Santa Esmeralda, il a eu beau se faire accompagner par une belle et jeune danseuse qui venait de temps à autre exhiber sa belle plastique, sa mayonnaise ne prenait pas ! Ensuite, ce sont les quatre membres du groupe anglais qui arrivent pour rendre un tribute à Abba. Ceux-ci étaient si mal déguisés qu’ils auraient certainement été refoulés du club Med rien que pour la laideur de leurs perruques. Et pour couronner le tout, la sono qui était catastrophique a achevé d’installer cette ambiance sordide où l’on se demande brusquement ce qu’on fait là ! Il faut préciser que l’on entendait les « Money, money, money », « Take a chance on me » et “Dancing queen” comme si cela sortait d’une vieille cassette qu’on a retrouvé dans sa cave. Franchement, cela aurait bien fait une grande boum de quartier et à ce moment-là ça aurait du être gratuit et tout le monde se serait défoulé sans dommages et sans regrets. Evidemment, avec les deux copines qui m’accompagnaient, on était tellement sidérées, tellement déçues que notre soirée disco tant attendue se révèle à ce point de mauvais goût que nous partîmes sans même jeter un œil aux Boney.M et Gibson Brothers. Trop, c’est trop ! Et dire que l’appellation « Night in Tunisiana » mime le titre du fameux morceau de Dizzy Gillespie, « Night in Tunisia », soi-disant pour annoncer la vocation des organisateurs à veiller à la qualité technique et artistique.
Maintenant, côté circonstances atténuantes, je peux et je veux personnellement prendre la défense de l’initiateur de cette manifestation (que certains connaissent et reconnaissent probablement) et qui lors des deux sessions précédentes a offert à un public de connaisseurs des moments de pur bonheur musical, notamment avec la prestation folle d’un Lucky Peterson encore à son top et la découverte d’un John Lee Hooker. Junior qui n’a certes pas égalé son célèbre papa, mais qui assure. De même, lors de manifestations parallèles comme Jazz à Carthage et Musiquât, ou même lors du festival de Jazz de Tabarka avant sa décadence, la qualité a toujours été au rendez-vous. On suppose donc qu’un tel accident peut arriver au plus professionnel des organisateurs de spectacles culturels. D’ailleurs, il paraît qu’il y a une histoire de sabotage technique dans l’air concernant ce « Night in Tunisiana 2008 » et même que le budget, d’un montant de 200 mille dinars, arraché à Tunisiana ne suffisait pas à inviter des artistes d’envergure. Admettons que tout ça est vrai ! Reste à m’expliquer comment un professionnel du management culturel qui a mis des années et des années pour gagner la confiance et le respect qui lui sont dues aujourd’hui, en arrive à se couler lui-même en prenant le risque d’aller sciemment au désastre ! Désastre artistique et non pas financier diraient certains ! Evidemment, si je parle de tout ça maintenant, c’est parce que j’ai refusé d’écrire un article où j’aurais inévitablement massacré une manifestation que je me suis toujours employée à défendre pour la bonne cause, la mienne et celle de tous les amateurs de bonne musique et les combattants de la pollution sonore et autres dégénérescences culturelles. Et n’est-ce pas qu’un silence vaut parfois mieux que mille critiques ! Il est vrai aussi que c’est pour ne pas être censurée que je me suis abstenue de tout commentaire. Et là, je mets le doigt sur la plaie pour en crever comme chaque fois l’abcès à mes risques et périls ! Je reviendrais plus tard sur cette question de l’auto-censure nécessaire et salutaire. J’étais donc en paix avec ma conscience et mon idéal déontologique jusqu’à ce que je découvre que mon journal a entrepris de publier un article rédigé par une collègue affirmant haut et fort que cette fameuse soirée disco était bien à tout points de vue. Même scénario dans les colonnes culturelles du journal La Presse où un (ou une) confrère, qui a choisi de rester anonyme en signant avec des initiales, entreprend lui aussi d’aller dans le sens du poil. (Lire l’article ici :http://www.lapresse.tn/index.php?opt=15&categ=4&news=76196). Le hic, ce n’est pas seulement que ces deux journalistes n’aient pas assisté au concert qu’ils commentaient, mais aussi que l’un et l’autre étaient les attachés de presse de la manifestation en question. Du coup, dans le tribunal de ma conscience, les circonstances atténuantes du monsieur en question tombaient à l’eau. Et ce n’était pas le pire ! Moi qui croyait défendre le dernier rempart déontologique de ce métier qui tombe en ruine, je me suis retrouvée face à un dilemme, quand un collègue que j’apprécie est venu me secouer en me confiant : « Tu ne veux donc pas comprendre que puisque les journalistes sont mal payés, opprimés, frustrés, censurés, ils compensent le manque à gagner en profitant de ceux-là même qu’ils sont censés critiquer ! Et tu seras toujours une marginale si tu ne veux pas l’admettre ! » « En quelque sorte, ils sont payés au noir », rétorquais-je. « Prends le comme tu veux ! », me dit-il.
Bon ! On ne peut pas dire que je ne sais pas ou que je ne comprends pas, étant donné que j’ai subi les pires exactions au sein même de mon journal pour la raison invoquée ci-dessus par ce collègue compatissant qui me priait de cesser mes vaines résistances et de COMPRENDRE. J’aurais bien supplié comme Santa Esmeralda « oh ! please don’t let me be misunderstood », mais quelqu’un m’avait totalement désespéré en me rapportant que mes résistances étaient jugées comme un « refus de me soumettre au système » et « une passion incompréhensible pour mon métier »!!! Ce qui m’embête, c’est que ce système que tout le monde semble bien connaître, demeure pour moi un véritable OVNI ou plutôt, c’est moi qui suis un OVNI au vu de l’expression médusée de mes collègues quand je pars dans mon délire habituel sur les atteintes à la déontologie dont personne ne se soucie plus ou de la désintégration du corps de métier qui a fait des journalistes des « rémoras et des poissons-pilotes » comme dans la chanson de Maurane. Bien sûr, mon histoire (qui n’est qu’un bout de « l’Histoire avec une grande hache », disait joliment Perec) peut paraître anodine et même ridicule à la plupart de mes collègues qui trouvent superflu de s’inquiéter des pratiques culturelles et médiatiques et légitime de lutter pour sa survie dans des conditions économiques dégradantes et impitoyables. A ce moment-là, je dirais à ceux-là de m’expliquer à quoi sert le nouveau syndicat des journalistes que l’on vient de mettre en place !

A suivre…