jeudi 18 janvier 2018

Le couscous "nu" de la dignité de Habib Ayeb*

On se le demande, pourquoi "Couscous, les graines de la dignité" a-t-il été boudé par le jury des dernières Journées Cinématographiques de Carthage ? Pourtant, le retour du documentaire dans la compétition était une belle occasion pour distinguer ce film essentiel qui permet de relire le récit de la «Révolution» et ses icônes à la lumière de la condition paysanne.

L'affiche du film a été réalisée par Sadri Kiari, dessinateur, militant et chercheur.

Pensez-donc, il y a six ans**, "Couscous, les graines de la dignité" n’aurait jamais pu être projeté en Tunisie. Idem pour le documentaire de Nada Mezni Hefaiedh, "Au-delà de l’ombre", ce beau plaidoyer en faveur de la communauté LGBT, qui a été, en revanche, gratifié avec un tanit de bronze. Une récompense, dira le président du jury Thierry Michel, qui "honore l'audace du propos, libre, impertinent et à l'esthétique provocatrice". Il faut convenir avec le réalisateur belge que « le festival a eu le courage de programmer cette œuvre résolument engagée dans la lutte pour des libertés individuelles au sein de la société musulmane ». Mais au-delà du courage, c’est le retour de ce festival militant à sa vocation originale qui a donné une visibilité à un film comme "Couscous, les graines de la dignité", produit en marge du circuit industriel. C’est dire que la "révolution des mentalités", louée par le président du jury, passe aussi par un cinéma du réel qui "donne au public la conscience de sa propre existence", comme le disait, il y a plus de trente ans, Glauber Rocha dans un texte-manifeste intitulé "Esthétique de la faim".

Pour une esthétique de la faim

Dans ce manifeste, le cinéaste brésilien décrit ainsi la faim comme le «nerf de sa propre société», l’opposant au "digestif" et au "folklorique". Face au cinéma mondial, "notre originalité est notre faim et notre plus grande misère vient de ce que cette faim, étant ressentie, n’est pas comprise", ajoute le leader du "cinema nuovo". Précisément, "Couscous : les graines de la dignité" est un film sur la faim dont « le destinataire se trouve du côté de ceux qui luttent » parce que la souveraineté alimentaire n'est pas un luxe, mais une question de survie. Et c’est, sans doute, en quoi il dérange parce qu’il restitue les dimensions occultées du débat sur les inégalités sociales et l’insécurité alimentaire engendrées par des modèles de développement que dictent les bailleurs internationaux. Sachant que ces orientations profitent, encore et toujours, à l'agro-business.

 Aussi, sous l’apparat de l’ingrédient de carte postale, le plat de couscous devient une mine d’informations sur le dévoiement des plans d’ajustement structurel. On le voit dans le film où des petits agriculteurs, comme Youssef à Zaghouan, Fethi à Msaken et Lassad à la Manouba, racontent comment les champs ont été ruinés par des semences améliorées non-reproductibles qui sont venues remplacer les anciennes variétés locales de blé, tels que le chili, mahmoudi, biskri, Jneh khottifa, swabaa aljia, Bidi et chetla, alors que celles-ci résistent mieux aux microclimats tunisiens. Derrière la promesse d’un meilleur rendement, ces nouvelles semences importées par l’Etat obligent les agriculteurs à racheter chaque année leurs graines et à utiliser des engrais et des pesticides, également importés, ainsi que de grandes quantités d’eau. Or, l’accès à l’eau est l’autre grand problème des habitants des régions déshéritées.

Une enquête réalisée sur le sujet par Nawaat montre que l’usage des semences améliorées, distribuées, depuis les années 60, aux agriculteurs tunisiens, dans le cadre du Programme d’Aide Alimentaire Mondial (PAM), n’a cessé d’augmenter. Il était de 35% en 1975, de 58% en 1994 et de 75% en 2004. Résultat : la Tunisie, qui était "pratiquement autosuffisante en céréales jusqu’au début du 20ème siècle, importe aujourd’hui plus de la moitié de ses besoins alimentaires". En 2014, les variétés végétales inscrites au catalogue officiel étaient pour la grande majorité hybrides et provenaient de géants de l’agroalimentaire, tels que Monsanto (27% du marché mondial), Synganta (9%), le groupe Limagrain (5%), ou encore l’entreprise japonaise Sakata (1,5%).
Incapables de concurrencer les entreprises privées, les paysans sont abandonnés à leur sort car qualifiés de «fardeau » pour le développement.  Ce qui ne les empêche pas de résister parce que leur survie en dépend. Les uns le font en remettant dans le circuit agricole des graines locales, précieusement gardées ; ce qui a permis d’alimenter le programme de sauvegarde des anciennes variétés, mis en place, depuis 2015, par la Banque Nationale de Gènes. D’autres, plus téméraires, contournent l’absurde monopole foncier de l’État en récupérant des terres agricoles comme ce fut le cas de l’oasis de Jemna au sud tunisien.

 Comme Mohamed Bouazizi, "les subalternes ont parlé"!

Plus encore, "Couscous, les graines de la dignité" démontre, à travers les conditions politiques, sociales, économiques et écologiques de production des céréales, que la question alimentaire est au cœur de la revendication de la dignité portée par le soulèvement de décembre 2010 et janvier 2011. Le film nous permet ainsi de relire le récit dominant de la révolution qui brosse le portrait de Mohamed Bouazizi en "jeune chômeur diplômé urbain, humilié par un agent de police, et non un homme dont la situation précaire résulte en grande partie de la crise du secteur agricole", comme le révèle Mathilde Fautras qui a soutenu une thèse, sous la direction de Habib Ayeb, sur "les appropriations foncières à Regueb", dans le gouvernorat de Sidi Bouzid.

 On notera que c'est le quatrième documentaire de Habib Ayeb, après "Sur les bords du Nil, l'eau en partage", "Fellahin" (Paysans) et "Gabès labess" (Tout va bien à Gabès). Dans tous ces films, un constat s’impose : il faut une réforme agraire pour concéder aux paysans leur droit à la terre et à la démocratie. Mais, avant d’aller à la rencontre du public des festivals, c’est d’abord en tant qu’académicien que le réalisateur s’est penché sur la condition paysanne. Car Habib Ayeb est d’abord géographe et enseignant-chercheur à l'Université Paris 8. C’est là qu’il a soutenu sa thèse sur la "géopolitique des grands travaux d’aménagement hydrauliques de la vallée du Nil", sous la direction d’un certain Yves Lacoste. Celui-là même qui chamboula la discipline en interpelant ses condisciples sur les véritables enjeux de pouvoir inscrits dans l’espace. Pour le fondateur de la revue Hérodote, il ne s’agit plus tant de « dessiner la terre » que de ressortir les situations géopolitiques locales, en tenant compte de la représentation que s’en font les populations.

Sur la ligne de partage des eaux, Ayeb nous apprend, justement, que la politique spatiale révèle la dépossession des fellahin et la lutte qui en découle pour l’accès aux ressources. Du Nil bleu à l’oasis de Gabès, son travail d’arpentage et de cartographie du monde rural remonte la mémoire des spoliations coloniales et néocoloniales pour redescendre en amont vers les bouleversements sociaux et politiques récents. Ce cheminement nourrit un projet, nous semble-t-il, important parce qu’il contribue, à sa manière, à faire entendre ces "voix inaudibles" et à défaire la subalternéité des paysans. On connait le débat sur l’idée que les subalternes sont une sorte d’auteur et d’acteur collectif doté de conscience de soi, qui a permis au mouvement des études subalternes de distinguer les subalternes de leur représentation par l’impérialisme. Et à la question "les subalternes peuvent-ils parler ?", Habib Ayeb ne craint pas de répondre par l’affirmative en soulignant "l’ingéniosité des paysans et leur fort sens de l’analyse des défaillances des politiques de développement rural en Égypte et en Tunisie".

Car la question n’est pas tant de prouver que les paysans peuvent parler que de montrer que leurs voix ne sont pas entendues par l’institution. Ces paroles qui sont des lettres envoyées à un destinataire historiquement assourdi, Habib Ayeb nous les transmet en pratiquant la « destinerrance », c’est à dire en « réécrivant les bonnes adresses dans le service postal de l’histoire », comme l’expliquait plus clairement Gayatri Chakravorty Spivak, lors d’une conférence donnée à la Foire du livre de Tunis en mars 2017. En d’autres termes, « nous devons transformer le passé en poésie du futur. En embrassant ceux qui soi-disant ne nous parlaient pas, et en transformant leur repliement sur soi, en un mouvement vers nous-mêmes, nous créons une modernité qui n'est pas centrée sur le passé. Comme notre propre modernité, qui ne nous est pas adressée aujourd'hui non plus », conclut la théoricienne des Subaltern Studies.

En attendant sa sortie nationale, "Couscous, les graines de la dignité" sera projeté au cinéma Les Alizés, à Bron, en France, en présence du réalisateur.



*Article paru initialement sur les blogs de Mediapart. URL:  https://blogs.mediapart.fr/nadia-haddaoui/blog/110118/le-couscous-nu-de-la-dignite-de-habib-ayeb
**On rappellera, en l'occurrence, que « Le fil » de Mohamed Ben Attia, sorti et projeté en France en avril 2011, et « La vie d’Adèle » d’Abdellatif Kechiche, Palme d’or du Festival de Cannes 2013, sont toujours censurés en Tunisie.

lundi 1 janvier 2018

Télé-réalité et pornographie sociale : La "machine à faire voir et à faire parler"*


"Télé-réalité et pornographie sociale [1]" est le titre d’un article écrit pour le site d’information Nawaat, dans le cadre d’une série d’articles que j’avais consacré, dès 2014, au travail du nouveau régulateur qu’est la Haica (Haute Autorité indépendante de la communication audiovisuelle), dans un contexte de libéralisation du paysage audiovisuel et de multiplication de chaines de radio et de télévision privées.


Et on peut dire, qu’au même titre que le politique, la télé-réalité fut dès le départ le casse-tête du régulateur, étant donné que certaines chaînes, comme Al Hiwar Ettounsi, n’ont toujours pas adhéré au cahier des charges de la Haica, lequel engage, notamment, les chaînes de télévision à « ne pas exploiter la détresse des personnes comme matière à sensation dans les émissions » ou encore à « la protection des droits de la femme et l’abolition des stéréotypes entachant son image dans les médias ». Depuis, le phénomène s’est amplifié, non seulement parce que les émissions de télé-réalité se sont multipliées en rivalisant d’obscénité, mais aussi parce qu’elles sont relayées sur les réseaux sociaux par ce qu’on appelle le bashing[2]. Le bashing étant une forme de défoulement collectif qui consiste à dénigrer une personne ou d’un sujet. Ce phénomène s'apparente, souvent, au lynchage médiatique, d’autant que le développement d'Internet et des réseaux sociaux permet à beaucoup plus de monde de participer dans l'anonymat à cette activité collective compulsive. Ce qui nous intéresse ici, c’est de voir comment la télé-réalité, comme forme de communication sociale et de distribution du visible, conditionne notre expérience esthétique en clivant notre rapport à l’autre et en formatant le récit intime. Ensuite, à travers l’analyse du « rituel de la confession », dont s’autorisent des animateurs-vedettes érigés en gardiens de la morale, nous montrons que le discours de la télé-réalité reproduit, en les exacerbant, les logiques de la domination. Enfin, nous analysons l’interaction entre les discours télévisuel, religieux, politique et pénal comme « un dispositif de pouvoir» tel que théorisé par Michel Foucault et Gilles Deleuze ; voire comme un nouveau « panopticon » qui contribue à la marchandisation de la parole sur la politique et la sexualité pour mieux l’occulter et la censurer. D’autant plus que le discours obscène de la télé-réalité est lui-même relayé, sur les réseaux sociaux, par le « bashing » et le « happy slapping », des pratiques violentes et déshumanisantes, désormais tolérées au nom de la liberté d’expression et de la démocratie. 
Je prendrais deux exemples pour illustrer mon propos.

I-             Alaa Chebbi et Samir El Wafi

Ø  L’émission Andi Ma Nqolek [J’ai quelque chose à te dire] de Alaa Chebbi
Le 14 octobre 2016, sur la chaîne Al Hiwar Ettounsi, l’invitée de l’émission est une jeune paysanne de 17 ans, victime, depuis l’âge de 14 ans, de viols à répétition commis par des proches. Enceinte de huit mois et ne sachant pas qui est le père de son enfant, elle vient dans l’émission, accompagné de son frère, pour se réconcilier avec son père qui l’a éjecté de la maison en apprenant le drame. Et que fais l’animateur ? Il l’oblige à reconnaitre qu’elle est coupable, à demander pardon à son père, et à épouser son violeur. À la suite de l’émission, la sœur de la jeune fille publie un statut Facebook où elle annonce l’accouchement de la victime et demande à ce que la justice se saisisse de l’affaire, dénonçant la manipulation de l’émission.
Sur les réseaux sociaux, sont lancés des appels à boycotter l’émission et à porter plainte contre l’animateur et la chaîne. Une page facebook intitulée « Épouse ton violeur, dit-il. On se voit au tribunal, lui répondons-nous » a été créée, peu après la diffusion de l’émission, avec une « Lettre ouverte à la ministre de la Femme, de la famille et de l’enfance ». Résultat : l’émission a été suspendue par la Haica pendant trois mois. Entretemps, sur la toile, le bashing s’est exacerbé, lorsque des chaînes de télévision étrangères, dont Al Jazeera, ont pointé le « dérapage de l’animateur tunisien ». Les internautes se sont alors déchaînés en qualifiant Alaa Chebbi de « honte internationale » qui « ternit l’image des Tunisiens ». L’animateur s’est défendu en objectant qu’il ne fait que se référer à la loi[3] (article 227 bis du code pénal) qui permet au violeur d’épouser sa victime, mais ce qu’il ne dit pas c’est que cette loi permet aussi au violeur d’échapper aux sanctions légales.
En dépit des multiples sanctions du régulateur, l’animateur récidiviste a continué à banaliser les atteintes « à la dignité humaine et à la vie privée ».Tout récemment, il a encore été convoqué par la Haica pour un autre dérapage dans sa nouvelle émission radiophonique Serrek fi bir (littéralement ton secret est dans le puits) ; diffusée sur radio Mosaïque FM ; dans laquelle il reçoit des appels d’auditeurs anonymes qui se livrent à des confidences-confessions nocturnes sur leur vie intime. 

Ø  L’émission Liman Yajroô Faqat  [Uniquement à ceux qui osent] de Samir El Wafi
Proie idéale pour les chasseurs de sensationnel et de voyeurisme, Amina Sboui[4] est l’invitée de Samir El Wafi, un dimanche 2 octobre 2016. L’animateur va se livrer à son lynchage médiatique en la présentant aux téléspectateurs en ces termes : « elle défraie la chronique avec, à chaque fois, une nouvelle histoire et de nouvelles péripéties. La dernière en date, une association tunisienne a déposé une requête contre elle demandant son départ du quartier où elle réside. Ses agissements ne s’accordent pas avec la mentalité du voisinage qui la considère comme suspecte. Elle a des pratiques inadaptées à leurs mentalités et à leur mode de vie ».
Dans les faits, une association anonyme avait publié une pétition dénonçant « des orgies » et demandant le départ d’Amina Sboui de son domicile, sis à Sidi Bou Said, où elle héberge des personnes homosexuelles et transgenres rejetées par leurs familles. Cette pétition avait été précédée par des menaces et des tentatives d’agression et d’intrusion chez la militante. Pour Samir El Wafi, tous les ingrédients étaient réunis pour « allumer le bûcher » et sacrifier Amina Sboui sur l’autel du « dieu du buzz »[5].
Ainsi, l’animateur va continuer à invoquer les bonnes mœurs, suggérant que son invitée était plus dangereuse que le salafiste Seifallah Ben Hassine. « Vous rendez-vous compte de la gravité de votre situation ? Même Abu Iyadh[6], quand il habitait à Hammam-Lif, ses voisins ne l’ont pas rejeté ! », lui assène-t-il. Ensuite, faisant allusion, au coming-out d’Amina Sboui qui avait proclamé sa bisexualité, quelques jours auparavant, dans l’émission « Houna el en" (ici et maintenant) sur Attassia TV, il lui demande si elle « déteste les hommes ». Pour finir, l’animateur bascule dans le registre de la folie morale. Rappelant un viol qu’elle aurait subi dans son enfance, Wafi demande à Amina si elle ne devait pas consulter « un psychiatre » parce que «certains vous considère comme folle », conclut-il.
Le cas d’Amina Sboui est exemplaire de la collusion du discours de la téléréalité, du discours religieux et du discours pénal, dès lors qu’il s’agit de comportements qui dérogent aux normes et aux valeurs traditionnelles. Ainsi en a-t-il été, lors des dernières Journées Cinématographiques de Carthage, lorsqu’un long-métrage documentaire, « Au-delà de l’ombre », racontant le quotidien de la communauté LGBT en Tunisie, obtenait le Tanit de bronze. Il a suffi qu’Amina Sboui, qui y joue son propre rôle, publie une photo d’elle avec le trophée, sur les réseaux sociaux, pour être, de nouveau, « bashé ». Même le parti Ennahdha s’en est mêlé, via l’une de ses députées qui a envoyé un questionnaire au ministre de la Culture pour lui demander des comptes sur une supposée subvention que son ministère aurait accordé à ce film. 

II-            La misère symbolique
Paradoxalement, il semble que la pornographique sociale vendue par les télé-réalités n’offusque pas le parti islamiste. L’establishment politique non plus, d’ailleurs. Est-ce parce que, contrairement à la télévision, comme l’avance Bernard Stiegler[7], dans son livre De la misère symbolique, le cinéma est une expérience qui peut combattre le conditionnement esthétique sur son propre terrain et remédier à la misère symbolique ?
Car l’obscénité de ces émissions destinées au divertissement, ne travaille-t-elle pas, justement, à un conditionnement esthétique et éthique qui asservit notre désir et façonne notre imaginaire à un mercantilisme de l’intime. Antonyme de l’érotisme, la pornographie se définit, d’ailleurs, par «le formatage du rapport intime» parce que son récit « ne vise jamais à raconter une histoire et représente des individus qui ne se reconnaissent pas comme sujets de leur désir.[8] »
Il y a plus de vingt ans, Bourdieu notait que « la télévision a une sorte de monopole de fait sur la formation des cerveaux d’une partie très importante de la population [9]». Aujourd’hui, l’offre cathodique a gagné du terrain en pénétrant notre subconscient pour s’accaparer notre « temps de cerveau humain disponible [10]». Dans son livre L’empire de la télé-réalité ou comment accroitre « le temps de cerveau humain disponible », Damien Le Guay évoque l’impact de la télé-réalité sur notre perception du monde et des relations humaines, et donc sur notre socialisation.
En effet, la télévision constitue un mode d’apprentissage des codes sociaux qui a supplanté les « îlots de socialisation traditionnelle » qui reposaient sur les habitudes religieuses, scolaires ou paysannes, lesquels ont perdu tout ou partie de l’autorité qu’ils exerçaient. Un nouveau modèle de comportement émerge de ce désert symbolique où se marchande le désir du spectateur-consommateur. « Le bordel, c’est le lieu où s’évalue et se fixe le prix moyen du désir. C’est le marché des images[11]», prévient Badiou.
Lacan nous dit, lui, que le symbolique structure l’inconscient par le langage. Ainsi, la relation à autrui serait essentiellement langagière, car l’individu est un « parlêtre ». Mais ce n’est pas tout. Pour le psychanalyste, la relation de l’homme au symbolique devient « la relation de l’homme au signifiant [12] », dans le sens où le mot se déchiffre beaucoup plus par rapport à son renvoi à d’autres mots que par rapport au signifié. Dans cet ordre symbolique, autant que la « fonction signifiante », « la fonction phallique » est essentielle pour comprendre l’économie de la jouissance du sujet et le rôle qu’elle occupe dans la différence des sexes et la relation sexuelle proprement dite.
Or, sur le divan de la télé-réalité, comme sur celui du psy, les corps souffrants et opprimés parlent avec leurs propres signifiants. Symptomatiques d’un « trouble dans le genre [13]», ces mots extorqués par l’animateur-confesseur vont lui servir, non pas à les délier, mais à les détourner, instituant, par les effets du langage, une « fiction mâle » qui barre l’accès au symbolique. Le résultat étant de rendre inaccessible et insaisissable la femme et sa « jouissance [14] ». Au final, l’animateur se sert des drames humains qu’il met à nu, pour «pornographiser» le rapport à l’Autre en exploitant les pulsions primitives des corps en souffrance afin de susciter des réactions archaïques de la part des spectateurs. Et l’Autre, nous dit Lacan, c’est bien le lieu de l’inconscient.
Pourtant, à l’instar des faits divers, ce genre télévisuel offre la possibilité d’une transgression, à travers la remise en question des représentations traditionalistes, en l’occurrence la banalisation des violences faites aux femmes. Mais Alaa Chebbi et Samir El Wafi n’en font rien. Au contraire, ils reproduisent et exacerbent les logiques de domination et les inégalités sociales et de genre, faisant fi du travail pédagogique dévolu aux médias, en ces temps de « transition démocratique » où la machine pénale tarde à se réformer, face à des questions frappées par le tabou et l’interdit. 

III-           La télé-réalité comme « dispositif de pouvoir »
On l’aura compris, au cœur de la mise en spectacle de l’intime, la télé-réalité sollicite la confession-aveu[15], une technique que le marketing[16] télévisé a développée en instrumentalisant le désir de reconnaissance et de visibilité d’invités-candidats, souvent issus de classes vulnérables. Au point que le service public, dans le sillage des chaines privées, s’y est collé à son tour, en proposant, sur la Wataniya, des simulacres de psychanalyse où des patients sont filmés dans des cabinets de psy.
Pourquoi donc la confession? Sans doute, nous dit Foucault, parce que « l’aveu a diffusé loin ses effets : dans la justice, dans la médecine, dans la pédagogie, dans les rapports familiaux, dans les relations amoureuses, dans l’ordre le plus quotidien, et dans les rites les plus solennels ; on avoue ses crimes, on avoue ses péchés, on avoue ses pensées et ses désirs, on avoue son passé et ses rêves, on avoue son enfance ; … on avoue en public et en privé, … [17]». On ajoutera à cela, « l’injonction à la connexion et à la confession permanente de soi [18]» que mettent en branle les réseaux sociaux.
Cependant, il faut rappeler que la confession-aveu est un « rituel de circonstance » qui se déploie dans un rapport de pouvoir et de savoir. En effet, les « rituels de parole », nous dit Foucault, sont des procédures de contrôle du discours et de sélection des sujets parlants. Ainsi, « les discours religieux, judiciaires, thérapeutiques, et pour une part aussi politique, ne sont pas dissociables de cette mise en œuvre d'un rituel qui détermine pour les sujets parlants à la fois des propriétés singulières et des rôles convenus. [19]» Si l’on se penchait de prés sur le discours des sujets parlants que sont les animateurs de télé-réalité, on va remarquer qu’ils officient sur le petit écran en cumulant une triple qualification : celle d’une vedette de télévision, celle d’un psychologue et celle d’un gardien de la morale. Ce qui leur confère une aura de vérité rassurante et acceptable parce que leur discours s’autorise du bon sens et du sens commun qui ne sont, au fond, que « formules insidieuses et souples [20]».
C’est  que Alaa Chebbi se prévaut, à chaque début d’émission, de son éthique propre en vantant « les valeurs positives » de son programme dont le but est « de rapprocher les gens et de résoudre leurs problèmes », comme par exemple « marier un violeur à sa victime ». Cependant que Samir El Wafi prône une justice populaire dont les prescriptions morales viennent se superposer aux discours religieux, en désignant les fous et les déviants et en les livrant à la vindicte publique du bashing et du « happy slapping »[21], dont Amina Sboui fut, à plusieurs reprises, la cible.
On notera qu’au lendemain de 2011, le code de la morale s’est déplacé de la sphère religieuse (mosquées) et politique (discours des islamistes) vers la télévision, où les rituels de parole prolifèrent[22], depuis la libéralisation du paysage audiovisuel tunisien, avec la montée en force d’un nouveau genre d’animateurs[23] qui brassent un large auditoire, à mesure que les tendances conservatrices gagnent en visibilité dans la société. Mobilisant un public longtemps gavé par une sous-culture télévisuelle, et une jeunesse déstructurée et dépourvue de toute culture politique, ces nouvelles figures  de la religiosité donnent du fil à retordre à la Haica, souvent impuissante face à un contexte politique où l’économie de marché impose, avec force, le fait religieux qui résiste, par conséquent, à toute régulation.
 « Mais qu'y a-t-il donc de si périlleux dans le fait que les gens parlent, et que leurs discours indéfiniment prolifèrent ? Où donc est le danger ? [24]», se demande Foucault. C’est que le discours est un champ de batailles et dans ce champ, n’entre pas qui veut. Plus encore, « le discours n'est pas simplement ce qui traduit les luttes ou les systèmes de domination, mais ce pour quoi, ce par quoi on lutte, le pouvoir dont on cherche à s'emparer.[25]» C’est pourquoi, « dans toute société, la production du discours est à la fois contrôlée, sélectionnée, organisée et redistribuée par un certain nombre de procédures qui ont pour rôle d'en conjurer les pouvoirs et les dangers…[26] ». Cet encadrement de la parole, précise l’auteur de La volonté de savoir, se resserre lorsqu’il s’agit d’interdits tels que la politique et la sexualité.
Or, qu’advient-il quand le discours de la télé-réalité se superpose, non seulement aux discours de la mosquée et des partis politiques, mais aussi au discours de l’institution judiciaire, en les relayant et en interagissant avec eux ? En l’occurrence, le chapitre qui réglemente la sexualité dans le code pénal tunisien, datant de 1913, « continue à mobiliser deux discours incompatibles, mais complices : le discours du droit positif et le discours de la chariâa [27]». De sorte que pour juger de « l’outrage aux bonnes mœurs et à la pudeur », il faille, encore aujourd’hui, s’en remettre à l’appréciation des policiers, des juges, des politiques, des imams, ou encore des animateurs de télé-réalité, comme ce fut le cas de Alaa Chebbi et Samir El Wafi dans les exemples évoqués plus haut. Il est bien évident qu’ici, la sexualité est ce qui inscrit le désir dans l’ordre des discours. Car « il s’agit moins d’un discours sur le sexe que d’une multiplicité de discours produits par toute une série d’appareillages fonctionnant dans des institutions différentes [28]».
Dès lors, il serait permis de déceler, dans cette corrélation de rituels et de discours, « des îlots de cohérence [29]» qui s’agencent en se disséminant pour constituer un « dispositif de pouvoir». Le « dispositif » étant un concept, qu’à la suite de Foucault, Deleuze décrit comme une «machine à faire voir et à faire parler[30]». Puisque, de la même manière, la télé-réalité contribue à faire voir et à faire parler les comportements non-conformes pour mieux les normaliser. L’observation et la normalisation étant, précisément, deux caractéristiques que Foucault attribue au « panopticon [31]» qui est un « dispositif de pouvoir » caractéristique des « sociétés disciplinaires » et des « sociétés de contrôle ». Bentham qualifie, quant à lui, le panopticon de « moulin à meuler des coquins honnêtes [32]». Dans ce moulin, pourrait-on ajouter, les animateurs de la télé-réalité seraient les nouveaux Panoptès[33] du temple moderne de la morale où les corps indociles sont jetés en pâture à la foule cybernétique. Autrement dit, dans cet espace panoptique que sont les réseaux sociaux qui, avec leur lot de bashing et de happy slapping, effacent les frontières entre liberté d’expression et agression, entre liberté individuelle et aliénation, brouillant les forfaits et les dérives des uns et des autres ; dont, paradoxalement, les incivilités et les passages à l’acte sont devenus la norme, au nom de la démocratie.
On se demande même, si à l’ère des « sociétés en réseaux », cette conjonction de discours (de la téléréalité, de la mosquée, de la politique et du pénal) n’inaugure pas un autre « régime de pouvoir » décliné en un réseau ramifié de dispositifs et ouvrant sur un « panopticon » réajusté à l’échelle du marché. Deleuze avançait déjà que le panoptisme passe par l'information et son traitement, mais aussi par le marketing. Etendant le concept à « toutes les fonctions énonçables», le philosophe affirme, dans son « Post-scriptum sur les sociétés de contrôle », qu’il ne s’agit plus seulement de « « voir sans être vu », mais d’« imposer une conduite quelconque à une multiplicité humaine quelconque [34]». Le contrôle des personnes s'effectuant «par contrôle continu et communication instantanée [35]». Car « ce qui compte n’est pas la barrière, mais l’ordinateur qui repère la position de chacun, licite ou illicite, et opère une modulation universelle [36]».

"Préparons la nudité poétique du présent" !
La télé-réalité, cet obscur objet du divertissement, n’est donc pas, simplement, un argument commercial mû par l’audimat, mais assurément un « dispositif de pouvoir », renforcé par les nouvelles sentinelles de la surveillance, qui redistribue les normes et les valeurs en cultivant cette « image consensuelle et pornographique de la démocratie marchande [37]». Encore faut-il savoir, dans ce « bordel financier des images », « qui est le préfet de police de (nos) convictions les plus intimes [38]», nous-mêmes ou l’Autre.
Que faire pour sortir de cet imaginaire trompeur qui embrigade nos émotions et notre engagement ? Sans doute, comme nous le recommande Badiou, nous mettre à « la seule critique dangereuse et radicale » qui est « la critique politique de la démocratie. Parce que l'emblème du temps présent, son fétiche, son phallus, c'est la démocratie. Tant que nous ne saurons pas mener à grande échelle une critique créatrice de la démocratie d'État, … nous serons les serviteurs du couple formé par la patronne du bordel et le chef de la police : le couple des images consommables et du pouvoir nu. [39]» Alors, « préparons donc … ces poèmes et ces images qui ne comblent aucun de nos désirs asservis. Préparons la nudité poétique du présent. [40] »

Je commencerai donc avec ce poème :
« Je m’ouvre femme enfin à ton engeance de chaman
De ton chavirement d’homme du naufrage
Mon pachyderme de désir s’effrite en eaux fortes
De suée exaucée se saisit dans le vœu de ta perte
L’amant pénétré par l’amante par nuit fractile l’hydre
Par sept fois dégénéra entre tes doigts
Refermés sur la pitance au rectum de nos parlêtres
L’ardeur de ton mot s’ancre cône de la nudité à nos membres essentiels. [41]»


 *Ma contribution à la Journée de l'AFPEC "Images et imaginaire" (2 décembre 2017)
 http://afpec-tunisie.over-blog.com/tele-realite-et-pornographie-sociale-la-machine-a-faire-voir-et-a-faire-parler#ob



Bibliographie
Damien Le Guay, L'Empire de la télé-réalité ou Comment accroître le temps de cerveau humain disponible, Presses de la Renaissance, 2005.
Bernard Stiegler, De la misère symbolique, Flammarion, séries: « Champs Essais », 2013.
Michela Marzano, La Pornographie ou l'épuisement du désir, Fayard, 2007.
Pierre Bourdieu, Sur la télévision, Raisons d'agir, chap. 1 (Le plateau et ses coulisses), Une censure invisible, 1996.
Jacques Lacan, Écrits, Le Seuil, 1966.
Alain Badiou, Pornographie du temps présent, Fayard, 2013.
Michel Foucault, L’Archéologie du savoir, Gallimard, 1969.
Michel Foucault, L'ordre du discours, Leçon inaugurale au Collège de France prononcée le 2 décembre 1970, NRF Gallimard.
Michel Foucault, Histoire de la sexualité, 1, La volonté de savoir, Gallimard, 1976.
Gilles Deleuze, Deux régimes de fous, Minuit, 2003.
Gilles Deleuze, Foucault, Minuit, 1986/2004.
Judith Butler (trad. Cynthia Kraus), Trouble dans le genre. Le féminisme et la subversion de l'identité [« Gender Trouble »], La Découverte, 2005.
 Jeremy Bentham, Les Œuvres, 10. Mémoires Partie I et Correspondance, Fonds Liberty, 1843.
Simon BOREL, « Le panoptisme horizontal ou le panoptique inversé », tic&société [Online], Vol. 10, N° 1 | 1er semestre 2016, Online since 15 October 2016. URL http://journals.openedition.org/ticetsociete/2029
« Le Temps De Cerveau Disponible », documentaire de Christophe Nick et Jean-Robert Viallet disponible sur youtube. URL : https://www.youtube.com/watch?v=amzLnvfaeJM
Nadia Haddaoui, « Abrogation de l’article 230 : Les deux discours de la machine pénale », Nawaat, en ligne depuis le 23 Oct 2015. URL :  https://nawaat.org/portail/2015/10/23/abrogation-de-larticle-230-les-deux-discours-de-la-machine-penale/
Nadia Haddaoui, « Tunisie : Téléréalité et pornographie sociale », Nawaat, en ligne depuis le 18 avril 2014. URL: https://nawaat.org/portail/2014/04/18/tunisie-telerealite-et-pornographie-sociale/


Notes
[1] Nadia Haddaoui, « Tunisie : Téléréalité et pornographie sociale », Nawaat, en ligne depuis le 18 avril 2014. URL: https://nawaat.org/portail/2014/04/18/tunisie-telerealite-et-pornographie-sociale/
[2] De l’anglais to bash qui signifie : cogner, frapper, taper.
[3] Moins d’une année après, cette loi a été abrogée ne permettant plus au violeur d’échapper aux sanctions, avec notamment le redoublement des peines « si la personne est de l'entourage proche ou qu'elle exerce sur elle (la victime) une influence ».
[4] Amina Sboui, alias Amina Tyler, est une militante LGBT qui a suscité, par ses actions spectaculaires, plusieurs polémiques qui lui ont valu de devenir la cible privilégiée des médias mainstream et des groupes religieux, en Tunisie et dans le monde. On en citera quelques-unes, en lien avec le sujet de cette communication. Le 1er mars 2013, elle diffuse, sur les réseaux sociaux, sa photographie seins nus avec le commentaire suivant : « Mon corps m'appartient et n'est source d'honneur pour personne ». Menacée de mort par des salafistes, elle est enlevée et séquestrée plus de trois semaines par sa famille à Kairouan. Le 19 mai 2013, elle est arrêtée pour avoir tagué le muret d'un cimetière à Kairouan, où devait se tenir le congrès du groupe salafiste Ansar al-Charia et où elle comptait mener une action « coup d'éclat ». Elle est inculpée pour détention d'un aérosol d'autodéfense et profanation d'un cimetière, encourant un total de deux ans de prison. Son père, qui vit en Allemagne, s’est résolu à donner une conférence de presse, en juillet 2013, au local du SNJT, pour la défendre et atténuer l’hostilité des médias à son égard. Pour plus de détails, voir la biographie d’Amina Sboui sur Wikipédia. URL:  https://fr.wikipedia.org/wiki/Amina_Sboui
[5] Pour reprendre la métaphore de Thameur Mekki dans un article où il parle de cette même émission. Cf. Nawaat. URL : https://nawaat.org/portail/2016/10/06/amina-sur-el-hiwar-ettounsi-tv-quand-la-stigmatisation-atteint-le-sadisme/
[6] Seifallah Ben Hassine, connu sous le surnom d'Abu Iyadh, annoncé mort le 14 juin 2015 et à plusieurs autres reprises, est un islamiste tunisien, commanditaire d'attaques terroristes djihadistes. Libéré en mars 2011 dans le cadre de l'amnistie générale, au lendemain de la révolution tunisienne, il fonde l'organisation salafiste djihadiste Ansar al-Charia (Partisans de la charia). Cf la biographie d’Abu Iyadh sur Wikipédia. URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Seifallah_Ben_Hassine
[7] Bernard Stiegler, De la misère symbolique, Paris, Editions Flammarion, séries: « Champs Essais », 2013, 406 p.
[8] Dans son livre La Pornographie ou l'épuisement du désir, Michela Marzano affirme que la différence entre érotisme et pornographie est dans le récit : « Là où l'érotisme est un récit — en images ou en mots — du désir qui pousse un être à la rencontre de l'autre, la pornographie […] ne vise jamais à raconter une histoire et représente des individus qui ne se reconnaissent pas comme sujets de leur désir. », p.27.
[9] Pierre Bourdieu, Sur la télévision, Editions Raisons d'agir, 1996, chap. 1 (Le plateau et ses coulisses), Une censure invisible, p. 17.
[10] De la misère symbolique de Bernard Stiegler est un long réquisitoire philosophique contre les propos «effroyables de cynisme et de vulgarité», formulés en 2004, par M. Patrick Le Lay, président de TF1, lorsqu’il affirmait « ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible... ».
[11] Alain Badiou, Pornographie du temps présent, Editions Fayard, p.18.
[12] Jacques Lacan, Écrits, Paris, Editions Le Seuil, 1966, p. 450.
[13] J’emprunte l’expression au titre du livre de Judith Butler « Trouble dans le genre -Le féminisme et la subversion de l’identité- » où elle critique Lacan en parlant d’un « au-delà du phallus ».
[14] Pour Lacan, la jouissance sexuelle est à ne pas confondre avec la jouissance phallique, laquelle est jouissance de la parole.
[15] Contrairement à l’arabe « اِعْتِراف, » le mot « confession » en français renvoie dans son sens premier à la confession catholique. C’est pourquoi nous l’accolons à l’aveu que Michel Foucault définit, dans comme « la matrice générale qui régit la production du discours vrai sur le sexe »
[16] Voir à ce propos l’excellent documentaire « Le Temps De Cerveau Disponible » de Christophe Nick et Jean-Robert Viallet disponible sur youtube, URL: https://www.youtube.com/watch?v=amzLnvfaeJM
[17] Michel Foucault, Histoire de la sexualité, 1, La volonté de savoir, Editions Gallimard, 1976, p. 205-206.
[18] Cf. Simon BOREL, « Le panoptisme horizontal ou le panoptique inversé », tic&société [Online], Vol. 10, N° 1 | 1er semestre 2016, Online since 15 October 2016. URL : http://journals.openedition.org/ticetsociete/2029
[19] Michel Foucault, L'ordre du discours, Leçon inaugurale au Collège de France prononcée le 2 décembre 1970, NRF Gallimard, p. 41.
[20] Dans un entretien de juin 1973 sur le thème des institutions disciplinaires, à la sortie de Surveiller et punir, Foucault indique que ces institutions se sont adaptées, assouplies, à l'exception d'un système pénal qui « n'a pas encore trouvé ces formules insidieuses et souples que la pédagogie, la psychiatrie, la discipline générale de la société ont trouvé. »
[21] Le fait de provoquer une scène violente pour la filmer et la diffuser au moyen d'un téléphone portable.
[22] Si le phénomène s’est accentué avec la technologie numérique, à l’origine, « les nouveaux prédicateurs » ont imité le modèle américain de la prédication télévisuelle et sont apparus dans le monde musulman, grâce à la télévision satellitaire, d’abord en Egypte, puis sur les chaînes saoudiennes privées dont Amr Khaled  est devenu l’une des célébrités.
[23] Le cas de Zitouna TV en l’occurrence.
[24] Michel Foucault, L'ordre du discours, Leçon inaugurale au Collège de France prononcée le 2 décembre 1970, NRF Gallimard, p.10.
[25] Ibid, p. 12.
[26]Ibid. p. 11.
[27] Cf. Nadia Haddaoui, « Abrogation de l’article 230 : Les deux discours de la machine pénale », Nawaat, en ligne depuis le 23 Oct 2015. URL :  https://nawaat.org/portail/2015/10/23/abrogation-de-larticle-230-les-deux-discours-de-la-machine-penale/
[28] Foucault, L’ordre du discours, p.46.
[29] Michel Foucault, L’Archéologie du savoir, Gallimard, 1969.
[30] Gilles Deleuze, Deux régimes de fous, 2003, Paris, Editions de Minuit, p.316.
[31] Le Panopticon est un bâtiment conçu par le philosophe et théoricien social anglais Jeremy Bentham permettant à tous les détenus d'une institution, à savoir une prison, d'être observés par un seul gardien sans que les détenus puissent dire s’ils surveillés ou pas. Michel Foucault s'en est servi comme métaphore des sociétés «disciplinaires» modernes et de leur tendance omniprésente à observer et à normaliser.
[32]  Jeremy Bentham, Les Œuvres, 10. Mémoires Partie I et Correspondance, Fonds Liberty, 1843.
[33] A l’origine, le panopticon est une référence à Panoptès qui, dans la mythologie grecque, est un géant avec une centaine d’yeux connu pour être un gardien très efficace.
[34] Gilles Deleuze, Foucault, Editions de Minuit, 1986/2004, p.41.
[35] Gilles Deleuze, « Post-scriptum sur les sociétés de contrôle », in Pourparlers 1972 - 1990, Editions de Minuit, 1990. A lire en ligne. URL : https://infokiosques.net/imprimersans2.php3?id_article=214
[36] Ibid.
[37] Badiou, ibid, p.37.
[38] Ibid.
[39] Ibid, p. 39
[40] Ibid, p.44
[41] Poème extrait de mon recueil Chapelet, écrit en 2004, non encore publié.