L’association Touensa
célébrait, le 28 septembre dernier, la Journée Internationale du Droit de
Savoir, avec une table ronde consacrée à « Droit à l’accès à l’information :
états des lieux, enjeux et défis ». Une occasion de revenir sur les avantages
et les limites de la transparence dans des pays, comme la Tunisie, qui sont
toujours enlisé dans la culture du secret.
Quand on regarde de
près, on réalise que notre rapport au droit et au savoir est entrain de
changer, malgré les entraves administratives, politiques et mentales qui
continuent à régir ce rapport.
Quelques mois après la
révolution, le gouvernement tunisien provisoire avait adopté le décret-loi 41
du 26 mail 2011, relatif à l’accès aux documents administratifs. Ce décret
engage le pays à construire une culture de transparence et d’ouverture des
données. Mais déjà Article 19 relevait que « les exceptions au principe de
divulgation sont rédigées de manière trop large et le décret ne contient pas de
disposition établissant la primauté de l’intérêt public ».
C’est ce que ne dément
pas Mr. Mohamed Salah Ben Aissa, professeur de droit public et ancien doyen de
la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales, qui affirme que
« les textes existent mais que l'application est défaillante » et que
le modèle administratif tunisien est hérité du système napoléonien basé sur la
hiérarchie et le secret. On sait par exemple que les archives et documents du
ministère de l’intérieur sont encore classés « top secret ». De même,
la loi régissant le passeport diplomatique n’est pas publiée dans le journal
officiel.
Les associations l’ont
compris, le droit d’accès à l’information n’est pas forcément favorable à la
divulgation de l’information et qu’une sensibilisation du citoyen «était
nécessaire. Tout récemment, l'association Nawaat, l'ONG Al Bawsala, ainsi que
quatre citoyens membres du collectif OpenGov déposaient une plainte auprès du
tribunal administratif à l'encontre de l'Assemblée Nationale Constituante, au
motif de non respect de la transparence et de l'accès à l'information par l'ANC
pourtant inscrits dans son règlement intérieur et stipulé dans le décret-loi
41. Les campagnes du groupe opengogtn témoignent de cette résistance au sein
même des institutions les mieux placées pour mettre en œuvre le principe de
bonne gouvernance. Après 7ell et 7ell2, est lancée la campagne « 7ell
3inik » (ouvre tes yeux), appuyée par un site participatif 7ell.tv, sur lequel
les internautes sont invités à poster des vidéos et des photos, destinées aux
députés de l'assemblée nationale constituante pour les «réveiller ».
Le bras-de-fer entre
les médias et le pouvoir
Du côté des médias, les
décrets-lois 115 et 116, toujours pas appliqués, entachent cet idéal de bonne
gouvernance et de transparence prôné par la Banque Mondiale. Les répercussions
de cette absence de cadre légal ont exacerbé le climat malsain qui vicie le
paysage médiatique. Avec le bras de fer imposé par le gouvernement, la tension
monte chaque jour d’un cran. Mardi matin, Lotfi Touati, le directeur contesté
de Dar Assabah, a agressé un autre journaliste. Se ramenant avec un huissier de
justice, Touati a voulu prendre des photos des grévistes de la faim. Khemaies
Hrizi, un technicien, a voulu l’en empêcher et c’est là que Touati l’a agressé.
Déjà, en entamant une grève de la faim depuis hier, Monia Arfaoui, Nizar Dridi,
Sabah Chebbi et le caricaturiste Hamdi Mezhoudi se sont vus annuler leurs
contrats de travail. Le caricaturiste du journal Assabah est l’une des victimes
de ce licenciement abusif.
D’un autre côté, ce
sont toujours les mêmes médias d'avant qui continuent à bénéficier de la plus
grande part de la publicité publique, alors que les journaux de bonne facture
parus après le 14 janvier 2011 se meurent lentement. Et pour cause. Les critères adoptés pour la
répartition de la publicité publique
demeurent ceux adoptés par l'Agence Tunisienne de communication extérieure
(ATCE). C’est ce que relevaient d’ores et déjà les directeurs de publication en
septembre 2011, lors d’un atelier organisé par l’INRIC ( l'Instance Nationale
pour la Réforme de l'Information et de la Communication). Celle-ci ayant décidé
de s’auto-dissoudre, le 4 juillet dernier, suite à l’impossibilité de dialoguer
avec le gouvernement, aucune solution n’est venu régler ce grave problème qui
entrave l’évolution du secteur médiatique et sape l’information libre et
crédible.
Opaques, les critères
adoptés par le Premier ministère ne sont pas équitables et reproduisent les
anciennes pratiques de la tristement célèbre ATCE (Agence tunisienne de communication
extérieure), qui gérait la distribution des marchés publicitaires, fournis par
des organismes publics, qui sont les principaux annonceurs, légitimant ainsi
une forme de subvention que le régime accorde seulement aux journaux qui lui
font allégeance. La dépendance de la majorité des journaux vis-à-vis de ces
ressources publicitaires était un moyen efficace pour surveiller et maîtriser
les lignes éditoriales.
Le retour aujourd’hui à cette pratique dictatoriale
inquiète les professionnels qui pointent « les dangers de l'argent
politique » et les risques du développement d'une presse jaune aux dépens
d'une presse professionnelle ». Courrier de Tunisie est lui aussi menacé
par ces partis pris politiciens.
*Paru dans "Courrier de Tunisie" de cette semaine.
*Paru dans "Courrier de Tunisie" de cette semaine.
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