Après les violences provoquées par un film anti-islam réalisé aux Etats-Unis, l’hebdomadaire Charlie Hebdo relance la polémique en publiant des caricatures de Mahomet, qui seraient « plus provocantes que celles déjà diffusées par l'hebdomadaire en novembre 2011 ». D’un côté comme de l’autre, les réactions prouvent, s’il en faut, que l’interférence du politique continue à occulter les vrais enjeux de cette fausse guerre des symboles.
Alors que des clients se sont
précipités ce matin dans les kiosques parisiens pour acheter et détruire les
exemplaires de Charlie Hebdo, Laurent Fabius, ministre français des Affaires
étrangères a estimé que les caricatures jetaient "de l'huile sur le
feu" dans le contexte actuel. Des propos critiqués par certains
journalistes français qui objectent que « la presse n'a pas à tenir compte
du "contexte » », car « elle
n'est pas là pour mettre de l'huile, mais pour mettre de l'intelligence ».
En face, Al-Azhar, la plus haute autorité de l'islam sunnite, basée au Caire,
en Egypte, déclare, au nom de « tous les musulmans » qu’il « refuse
catégoriquement l'insistance d'une publication française à éditer des
caricatures portant atteinte à l'islam et à son prophète ».
En Tunisie, d’aucuns craignent que la polémique n’infléchisse
la suite du débat sur les lois relatives à la liberté d’expression et de création.
Et pour cause, l’inculpation d’artistes dans « l’affaire du palais
Abdellya » rejoint l’affaire des deux jeunes caricaturistes tunisiens de
Mahomet, condamnés à sept ans de prison, en mai dernier, sur la base du code
pénal tunisien. Le parti Ennahdha ayant
proposé à l’Assemblée Nationale Constituante, un projet de loi qui prévoit une
peine de deux à cinq ans de prison pour tout ce qui portera «atteinte au sacré»
par la diffamation mais aussi la «dérision». Et tout récemment, Rached
Ghannouchi, ramenait les dernières violences à l’absence d’une loi incriminant
l’atteinte au sacré. Pour d’autres, il serait plus judicieux de proposer une
loi universelle qui protège les religions de toute atteinte, de la même manière
qu’elle protège le patrimoine culturel de l’humanité.
Si l’on ajoute à cela, le tollé
provoqué, vendredi dernier, par la subversion du logo de l’assemblée
constituante, constatée sur un bloc-notes où l’étoile de David, à six branches,
a remplacé l’étoile à cinq branches surmontant le drapeau national, cette
succession de faits et incidents n’est plus aussi étrange. Car elle ne fait que
révéler une stratégie concertée, qui de plus est, coïncide avec un effet de
communication sur le 11 septembre. Non sans oublier que la prime promise pour
l'assassinat de Salman Rushdie a été augmentée récemment à 3,3 millions de
dollars. En effet, depuis 1989, le livre de Salman Rushdie "Les Versets
sataniques" avait été jugé blasphématoire par l'ayatollah Khomeini et son
auteur fut frappé d'une fatwa, le contraignant à la clandestinité.
Au-delà des théories du complot
rabâchées en de telles occasions, nul ne peut nier aujourd’hui l’influence et
la dangereuse efficacité des courants d’extrême-droite de tous bords. La grande
question est maintenant de savoir de quelle façon infléchir la réflexion voire
la ré-action pour se situer dans l’universel et travailler à garantir l’égalité
des confessions, des religions et des cultures, et à subvertir les rapports de
forces imposées par le politique.
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