«Car j’affirme que la bibliothèque est interminable»
J.L. Borges
J.L. Borges
Le manuscrit occupe une place centrale dans la civilisation musulmane, car la diffusion de sa culture allait être déterminée par le règne de l’écrit, à l'intérieur d'un espace considérable qui devait s'étendre avec l’expansion musulmane jusqu’à l’Indus. Dès le VIIIe siècle, les Arabes apprennent des Chinois la fabrication du papier avant de la transmettre à l’Europe. A l’origine, c’est le parchemin qui sert de support à l’écrit puisque le papier fait son entrée à partir du XIème s. Témoin exemplaire d'un ensemble de pratiques et de techniques culturelles, le manuscrit fait rejaillir le prestige de l’écrit sur le scribe. A ses débuts, l’écriture arabe était soit incurvée ou arrondie, soit allongée et droite. Ce fut le génie d’Abou Ali Ibn Moqlah, vizir sous les Abbasides, qui permit d’instaurer un système global de règles calligraphiques fondées sur le point en losange comme unité de mesure. Au Maghreb, des calligraphies spécifiques furent développées. C’est ainsi que le Coufique occidental se développa vers 670 à Kairouan. De ce Coufique, naquit Au Xe siècle le Maghribi, une écriture cursive fine et délicate, propre au Maghreb et à l’Espagne musulmane. Seule écriture utilisée duraOn a pu distinguer quatre styles de Maghribi : le Qayrawani, l’Andalousi, le Fasi et le Soudani, graphies qui tracent les lignes de fuite du savoir et de son histoire migrante.
Si l’art du livre est intimement lié à l’essor de la calligraphie, c’est que celle-ci s’est imposée comme la forme d’art plastique essentielle à l’exaltation de la parole sacrée et de l’esprit de la lettre. Plusieurs copistes se font connaître en Tunisie où des familles Kairouanaises de calligraphes sont devenues célèbres : Hachaichi, Antari incluant même des femmes depuis la fin du IXème siècle. La reliure est aussi l’un des aspects importants de l’art du livre et de sa conservation. Les reliures anciennes ont des ais de bois qui, au XIIème siècle, deviennent moins épais : cartonnés, feuilles collées ou cuir. Au XIIIème siècle, cet art rejoint les reliures almohades réalisées au Maroc à la même époque. Puis, Au milieu du XVIIIème siècle, des relieurs venus de Turquie, sur l’invitation d’Ali Pacha, exercent leur art à Tunis, avec une préférence pour le motif de la mandorle polylobée à décor végétal et le jeu sur les couleurs ou la dorure.
Si l’art du livre est intimement lié à l’essor de la calligraphie, c’est que celle-ci s’est imposée comme la forme d’art plastique essentielle à l’exaltation de la parole sacrée et de l’esprit de la lettre. Plusieurs copistes se font connaître en Tunisie où des familles Kairouanaises de calligraphes sont devenues célèbres : Hachaichi, Antari incluant même des femmes depuis la fin du IXème siècle. La reliure est aussi l’un des aspects importants de l’art du livre et de sa conservation. Les reliures anciennes ont des ais de bois qui, au XIIème siècle, deviennent moins épais : cartonnés, feuilles collées ou cuir. Au XIIIème siècle, cet art rejoint les reliures almohades réalisées au Maroc à la même époque. Puis, Au milieu du XVIIIème siècle, des relieurs venus de Turquie, sur l’invitation d’Ali Pacha, exercent leur art à Tunis, avec une préférence pour le motif de la mandorle polylobée à décor végétal et le jeu sur les couleurs ou la dorure.
Tardivement supplanté par le livre imprimé, le manuscrit règne en maître jusqu’au XVIIIe siècle, alimentant d’impressionnantes bibliothèques nomades. Les savants du Moyen Age musulman ont ainsi balisé la route du savoir au gré des migrations et des échanges entre cultures et civilisations. « Les Arabes, affirme A. de Humboldt, étaient admirablement disposés pour jouer le rôle de médiateurs. » Aux marges de l’empire perse et byzantin, un corpus de connaissances d’origine grecque enrichi de l’apport des penseurs du monde arabo-musulman, va en effet se déplacer en Orient, puis au Maghreb, en Italie, ensuite dans toute l’Europe. De Bagdad à Cordoue, en passant par Damas, Alexandrie, Le Caire, Kairouan, Fez et Salerno, des communautés de lettrés chrétiens, juifs et musulmans constituèrent des trésors de Philosophie, de mathématiques, de droit, de médecine, d’astronomie et de grammaire qui allaient préparer la Renaissance européenne.
Car qu’elle soit arabe ou grecque, la science ne faisait pas référence à une origine géographique ou religieuse, mais à un contexte interculturel dans lequel a éclot une pensée lumineuse dont la langue de communication scientifique était l’arabe. Le « Siècle des Arabes » avait déjà exprimé son génie littéraire à travers la poésie, la prose et les récits héroïques. A ce siècle de l’oralité allait succéder celui de l’écrit avec l’extraordinaire bouillonnement intellectuel dont l’étincelle partit de Bagdad. « Non seulement, dit M. Sédillot, l’école de Bagdad a contribué au réveil de l’Europe en comblant l’intervalle qui sépare les Grecs d’Alexandrie des modernes, mais c’est elle qui a porté la lumière dans l’Asie toute entière. »
Aux confluences de ces civilisations d’Occident et d’Orient, la Tunisie andalouse héritera de ces flux incessants venus se déposer à Cordoue, troisième grande bibliothèque du monde islamique. On estime l’héritage de la bibliothèque de Cordoue à quelques 600.000 ouvrages, parmi lesquels un nombre considérable de manuscrits arabes et grecs. A partir de Bagdad allaient également fleurir de nombreuses Ecoles et figures scientifiques dont on retiendra celles d’Ibn Usaybi’a, grand historien des sciences et de la Médecine au Maghreb, ainsi qu’ Is-Haq Ibn Imran Ibn Al Jaza pour l’Ecole de Kairouan.
L’actuel Centre d’Etudes de la Civilisation Islamique de Raqqada à Kairouan était à l’origine une bibliothèque d’ouvrages scientifiques, réunis par l’aghlabide Ibrahim II au XIème siècle au Palais de Raqqada à Kairouan. Cette ancienne bibliothèque fut enrichie par Al Moez Ibn Badis après la répudiation du chiisme en Ifryquia, au début du XI è siècle. Elle abrita la célèbre « Mudawana » malékite de l’Imam Suhnun et de précieux manuscrits sur vélin.
L’actuel Centre d’Etudes de la Civilisation Islamique de Raqqada à Kairouan était à l’origine une bibliothèque d’ouvrages scientifiques, réunis par l’aghlabide Ibrahim II au XIème siècle au Palais de Raqqada à Kairouan. Cette ancienne bibliothèque fut enrichie par Al Moez Ibn Badis après la répudiation du chiisme en Ifryquia, au début du XI è siècle. Elle abrita la célèbre « Mudawana » malékite de l’Imam Suhnun et de précieux manuscrits sur vélin.
Au XIV° siècle, Ibn Khaldoun note, « lorsque le vent de la civilisation eut cessé de souffler sur le Maghreb et sur al-Andalus, et que le dépérissement des connaissances scientifiques eut suivi celui de la civilisation, les sciences disparurent… On en trouve seulement quelques notions, chez de rares individus, qui doivent se dérober à la surveillance des docteurs de la foi orthodoxe ». C’est en effet, après les Croisades, refusant un instrument de diffusion du savoir et de la modernité aussi important que l’imprimerie, que le Dâr al-Islam ( la Maison de l’islam ) va se replier sur lui-même au XV° siècle, sur la rive Sud d’une Méditerranée marginalisée par rapport à l’Atlantique. Les Ottomans s’emparent de Byzance et s’imposent sur les territoires arabo-musulmans jusqu’au XIX° siècle, jusqu’à la colonisation européenne.
(Illustration: "Séances" de Harîrî, copie réalisée en 1237 par Yahya al-Wâsitî, école de Bagdad. Paris, BNF)
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