vendredi 21 septembre 2012

La vraie guerre est derrière la guéguerre des symboles


Après les violences provoquées par un film anti-islam réalisé aux Etats-Unis, l’hebdomadaire Charlie Hebdo relance la polémique en publiant des caricatures de Mahomet, qui seraient « plus provocantes que celles déjà diffusées par l'hebdomadaire en novembre 2011 ». D’un côté comme de l’autre, les réactions prouvent, s’il en faut, que l’interférence du politique continue à occulter les vrais enjeux de cette fausse guerre des symboles.

    Alors que des clients se sont précipités ce matin dans les kiosques parisiens pour acheter et détruire les exemplaires de Charlie Hebdo, Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères a estimé que les caricatures jetaient "de l'huile sur le feu" dans le contexte actuel. Des propos critiqués par certains journalistes français qui objectent que « la presse n'a pas à tenir compte du "contexte » », car  « elle n'est pas là pour mettre de l'huile, mais pour mettre de l'intelligence ». En face, Al-Azhar, la plus haute autorité de l'islam sunnite, basée au Caire, en Egypte, déclare, au nom de « tous les musulmans » qu’il « refuse catégoriquement l'insistance d'une publication française à éditer des caricatures portant atteinte à l'islam et à son prophète ».
    
     En Tunisie, d’aucuns craignent que la polémique n’infléchisse la suite du débat sur les lois relatives à la liberté d’expression et de création. Et pour cause, l’inculpation d’artistes dans « l’affaire du palais Abdellya » rejoint l’affaire des deux jeunes caricaturistes tunisiens de Mahomet, condamnés à sept ans de prison, en mai dernier, sur la base du code pénal tunisien.  Le parti Ennahdha ayant proposé à l’Assemblée Nationale Constituante, un projet de loi qui prévoit une peine de deux à cinq ans de prison pour tout ce qui portera «atteinte au sacré» par la diffamation mais aussi la «dérision». Et tout récemment, Rached Ghannouchi, ramenait les dernières violences à l’absence d’une loi incriminant l’atteinte au sacré. Pour d’autres, il serait plus judicieux de proposer une loi universelle qui protège les religions de toute atteinte, de la même manière qu’elle protège le patrimoine culturel de l’humanité.

   Si l’on ajoute à cela, le tollé provoqué, vendredi dernier, par la subversion du logo de l’assemblée constituante, constatée sur un bloc-notes où l’étoile de David, à six branches, a remplacé l’étoile à cinq branches surmontant le drapeau national, cette succession de faits et incidents n’est plus aussi étrange. Car elle ne fait que révéler une stratégie concertée, qui de plus est, coïncide avec un effet de communication sur le 11 septembre. Non sans oublier que la prime promise pour l'assassinat de Salman Rushdie a été augmentée récemment à 3,3 millions de dollars. En effet, depuis 1989, le livre de Salman Rushdie "Les Versets sataniques" avait été jugé blasphématoire par l'ayatollah Khomeini et son auteur fut frappé d'une fatwa, le contraignant à la clandestinité.

     Au-delà des théories du complot rabâchées en de telles occasions, nul ne peut nier aujourd’hui l’influence et la dangereuse efficacité des courants d’extrême-droite de tous bords. La grande question est maintenant de savoir de quelle façon infléchir la réflexion voire la ré-action pour se situer dans l’universel et travailler à garantir l’égalité des confessions, des religions et des cultures, et à subvertir les rapports de forces imposées par le politique.

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